C'est l'histoire d'un canular devenu une fake news par la grâce de la prestigieuse agence Reuters. Une Falschmeldung, plus précisément, en allemand dans le texte. En effet, le 15 juin, emboîtant le pas à Reuters, plusieurs médias allemands ont faussement annoncé une rupture entre l'Union chrétienne-démocrate (CDU) d'Angela Merkel et son allié de toujours, l'Union chrétienne sociale, présente uniquement en Bavière.
Cette annonce était d'autant plus fracassante qu'elle avait pour conséquence très probable la dislocation de la «grande coalition» de gouvernement que la chancelière était parvenue à mettre en place après de longs mois de difficiles tractations le 4 mars dernier.
Prise au sérieux, reprise notamment par le magazine Bild et par la chaîne d'information n-tv, l'annonce a fait l'effet d'une bombe, provoquant une baisse des cours à la Bourse de Francfort. Le porte-parole d'Angela Merkel, Steffen Seibert, a dû démentir cette fausse information. Et Bild, faire amende honorable.
Macaron bleu et infographie convaincante
C'est Moritz Hürtgen, un journaliste du journal satirique allemand Titanic, qui est parvenu avec brio à tromper son monde en déguisant son compte Twitter certifié (doté d'un petit macaron bleu) afin de lui donner l'apparence du compte officiel d'une chaîne locale de l'Etat régional de Hesse, la Hessischer Rundfunk. En pièce jointe au tweet, une fausse citation du ministre-président de la Hesse, Volker Bouffier, annonçait avec fracas la création d'une CDU de Bavière : «Nous devons donc déjà nous préparer, dès les prochaines élections fédérales», prévient faussement le faux Volker Bouffier.
Or, et c'est là que résidait toute l'importance de cette annonce, la CDU est absente du Land de Bavière, où seule la CSU, par un accord entre les deux partis, présente des candidats aux élections fédérales. La fausse annonce de Volker Bouffier avait donc tout d'une déclaration de guerre du parti d'Angela Merkel à son allié.
Ce n'est pas la première fois que la presse allemande tombe dans un piège tendu par Titanic. En février 2018, le journal satirique avait trompé le magazine Bild qui avait relayé un faux scoop concernant une ingérence russe dans le Parti social-démocrate allemand (SPD).
A.K.
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