Alors que le président russe doit s'entretenir avec le chef d'Etat autrichien, l'écologiste libéral Alexander Van der Bellen, et le chancelier conservateur Sebastian Kurz le 5 juin à Vienne, l'Autriche ne cache pas sa volonté, à contre-courant du climat tendu entre Bruxelles et Moscou, de retrouver une forme de coopération entre les deux pays.
Il est grand temps de mettre fin à ces sanctions fâcheuses
Dans une interview publiée le 2 juin par le quotidien autrichien Osterreich, Heinz-Christian Strache, dont le Parti de la liberté d'Autriche (FPO, souverainistes et anti-immigration) avait signé en 2016 un «accord de coopération» avec le parti Russie unie de Vladimir Poutine, a ainsi confirmé une volonté de normalisation. Heinz-Christian Strache a notamment estimé qu'il était «souhaitable» que Bruxelles reconsidère ses sanctions contre la Russie, parce qu'elles endommageaient l'économie nationale.
Des sanctions coûteuses pour Vienne
«J'ai toujours mis en garde contre le fait de pousser la Russie dans les bras de la Chine. Il est grand temps de mettre fin à ces sanctions fâcheuses et de normaliser les relations politiques et économiques avec la Russie», a-t-il encore déclaré.
Selon les chiffres de l'Institut autrichien de la recherche économique, les sanctions antirusses, décidées en 2014 en lien avec la crise ukrainienne, auraient coûté jusqu'à 2,1 milliards d'euros de pertes de revenus d'exportation à l'Autriche sur trois ans.
Nous devons rétablir la confiance en Europe et passer d'un système de punition à un système d'incitation
Sebastian Kurz lui-même, du Parti populaire autrichien (OVP, centre droit chrétien conservateur), a de tout temps ménagé un dialogue avec le président russe et manifesté son souhait d'améliorer les relations russo-européennes. Le chancelier autrichien l'a rencontré au cours d'une visite officielle à Moscou fin février 2018.
Refusant d'expulser des diplomates, l'Autriche se veut un «pont entre les nations»
Sebastian Kurz a récemment fait valoir une position de neutralité dans l'affaire de l'empoisonnement de l'ex-agent double Sergueï Skripal, en refusant d'expulser des diplomates russes, contrairement à 14 autres pays de l'Union européenne. Le jeune chancelier a ainsi commenté au cours d'une interview sur la chaîne de télévision autrichienne Puls 4 : «Nous entretenons actuellement de bonnes relations avec la Russie. Nous sommes un pays neutre et nous accueillons les quartiers généraux de nombreuses organisations internationales, telles que l'ONU ou l'OSCE. Des centaines de diplomates viennent chez nous pour pouvoir s'entretenir en terrain neutre. C'est pourquoi nous pouvons développer ce rôle de pont entre les nations.»
Nous voulons maintenir ouvrir les canaux de communication avec la Russie
En 2017, alors qu'il était ministre de l'Europe et des Affaires étrangères et s'apprêtait à prendre la tête de la présidence tournante de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), Sebastian Kurz s'était engagé à œuvrer à une normalisation des relations UE-Russie. «Nous devons rétablir la confiance en Europe et passer d'un système de punition à un système d'incitation», avait-il déclaré dans une interview au magazine allemand Der Spiegel.
Alors qu'en décembre 2016, l'Union européenne avait renouvelé ses sanctions économiques contre Moscou, le diplomate avait jugé à contre-courant de cette décision : «Nous devrions assouplir progressivement les sanctions [antirusses], afin d'obtenir des développements positifs sur le terrain.»
Toutes ces prises de position de Sebastian Kurz au long de sa carrière politique n'ont jamais démenti le rôle de l'Autriche, qui n'adhère pas à l'OTAN, en tant que «pont entre les nations», entre l'Est et l'Ouest. Une neutralité que Vienne aura à cœur de faire valoir lors de la visite du dirigeant russe, à l'heure où les points de divergences sont nombreux entre Bruxelles et Moscou.