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Macron à Saint-Pétersbourg : un an après Versailles, où en est la relation franco-russe ?

Ce 24 mai, Emmanuel Macron effectue sa première visite officielle en Russie. Un an après sa rencontre à Versailles avec Vladimir Poutine, le président cherche toujours à se positionner face à un acteur géopolitique et économique incontournable.

Presque un an après leur rencontre à Versailles le 29 mai 2017, Vladimir Poutine doit accueillir son homologue français Emmanuel Macron ce 24 mai 2018, à l'occasion de la 22e édition annuelle du Forum économique de Saint-Pétersbourg. C'est la première fois que le président de la République se rend en Russie depuis son entrée en fonction. Son approche de la Russie n'a pas changé : il faudra, selon lui, se montrer ferme à l'égard du Kremlin.

Depuis un an, fidèle à sa rhétorique du «en même temps», ici appliquée à la Russie, Emmanuel Macron a eu à cœur d'articuler fermeté, notamment sur le dossier syrien, et main tendue. «J'aurai un dialogue exigeant avec la Russie», avait ainsi prévenu le 27 mai 2017, deux jours avant sa rencontre avec Vladimir Poutine, le président de la République fraîchement élu. Tout en soulignant : «Beaucoup de problèmes internationaux ne peuvent être résolus sans la Russie.» En mai 2017, Emmanuel Macron devait ainsi marquer sa distance avec son prédécesseur, François Hollande, dont les relations avec le président russe s'étaient progressivement dégradées, notamment sur le dossier syrien, jusqu'au point où pratiquement aucun dialogue n'était plus possible.

La volonté d'un «rapport direct» avec la Russie

Un an plus tard, Emmanuel Macron n'a pas changé. A l'occasion d'une interview accordée au JDD le 6 mai dernier, il affirme ainsi vouloir «tisser des liens [...] culturels, scientifiques, géopolitiques» avec Moscou. Sans pour autant se départir de ses craintes sur une supposée ingérence russe dans les affaires politiques françaises, malgré l'absence à ce jour de preuves attestant d'une telle intrusion. «Je serai intraitable sur l’entrise et les tentatives d’ingérence, nous ne nous laisserons pas faire», a-t-il affirmé.

La rencontre de Versailles de mai 2017 a ainsi déterminé la relation entre la France et la Russie pour les 12 mois suivants. Le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian s'est notamment chargé de maintenir la cohérence de ce double discours. «[Emmanuel Macron] a la volonté d'établir avec la Russie un rapport direct, entre puissances», expliquait ainsi en janvier 2018 le chef de la diplomatie française. Et le ministre, rescapé du mandat de François Hollande, d'ajouter, comme si la chose n'allait pas de soi : «Mais il considère qu'il faut respecter ce grand pays.»

Le 23 mai, à la veille de l'arrivée d'Emmanuel Macron à Saint-Pétersbourg, la position de Jean-Yves Le Drian n'a pas varié. «Nous avons avec la Russie beaucoup de désaccords», a-t-il concédé, listant pêle-mêle la situation en Ukraine, les attaques chimiques présumées en Syrie ainsi que les «intimidations» et «ingérences» russes, selon lui, dans les processus électoraux. «[Mais] nous avons aussi des intérêts [communs]. La Russie est un grand pays de notre environnement, elle peut être un partenaire», a-t-il ajouté.

La sortie des Etats-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien : un déclic ?

Le 15 mai 2018, Emmanuel Macron a décroché son téléphone pour parler à Vladimir Poutine. Les deux chefs d'Etat ont alors confirmé leur engagement sur l'accord nucléaire iranien de 2015. Le 9 mai, au lendemain de l'annonce du retrait des Etats-Unis de l'accord, Emmanuel Macron avait déjà exprimé sa désapprobation. Le chef d'Etat français avait ainsi déclaré dans un tweet : «La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni regrettent la décision américaine de sortir de l’accord nucléaire iranien. Le régime international de lutte contre la prolifération nucléaire est en jeu.»

La Russie, pour sa part, avait estimé qu'il était toutefois possible de discuter du dossier iranien sans les Etats-Unis.

De fait, les intérêts stratégiques de la France et de la Russie sont parfois convergents, pour peu que Paris refuse de se plier à toutes les exigences de Washington. Sur le dossier du nucléaire iranien, notamment, la France a trouvé ses limites. En l'occurrence, celles de ses entreprises et de ses grands groupes, menacés de sanctions par les Etats-Unis, s'ils continuaient à commercer avec Téhéran.

Les sanctions américaines comme facteur de rapprochement entre la Russie et la France

Le choix de l'événement, le Forum économique de Saint-Pétersbourg, n'est pas dû au hasard. En effet, c'est bien sur le secteur économique que les positions semblent les plus conciliables, dans l'immédiat, entre Moscou et Paris.

Aussi, depuis plusieurs mois, Bruno Le Maire joue-t-il une toute autre partition que celle de Jean-Yves Le Drian, qui fustige régulièrement le soutien militaire de la Russie à la Syrie contre Daesh. Le ministre français de l'Economie milite lui pour une reprise des échanges économiques avec la Russie, mis à mal par les sanctions contre Moscou, décidées par les Etats-Unis et adoptées par l'Union européenne à partir de 2014 et du rattachement par référendum de la Crimée à la Russie.

Lors d'un déplacement à Moscou en janvier 2018, peu évoqué dans la presse française, Bruno Le Maire s'était ainsi livré à un exercice délicat : comment manœuvrer dans ce contexte de sanctions contre la Russie, sans pour autant remettre en cause ces mêmes sanctions ? «Nous sommes attachés à 100% aux décisions prises au niveau européen. Comme la France est l'un des piliers de l'Union européenne, nous n'imaginons pas même de remettre en cause [ces sanctions]», avait-il alors argumenté

Mais comme pour l'Iran, les sanctions américaines unilatérales croissantes contre la Russie, à partir de juillet 2017, sapent un peu plus la convergence d'intérêt de l'Union européenne et de la France d'une part, et des Etats-Unis d'autre part. Au profit de Moscou ?

Si la rhétorique reste relativement rude à l'égard de la Russie, l'échec d'Emmanuel Macron à convaincre Donald Trump de rester dans l'accord sur le nucléaire iranien laisse la France entre deux rives, au moment de cette visite officielle à Saint-Pétersbourg.

Alexandre Keller

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