Deuxième étape de son marathon diplomatique destiné à sauver l'accord nucléaire abandonné par les Etats-Unis, le ministre des Affaires étrangères iranien Mohammad Jawad Zarif se rend à Moscou le 14 mai, pour sauver l'accord sur le nucléaire.
Selon une déclaration du chef de la diplomatie iranienne, cité par l'agence RIA, la Russie a confirmé le 14 mai son engagement à faire respecter l'accord sur le nucléaire iranien et les deux pays ont assuré qu'ils feraient tout ce qu'ils pourraient pour sauver cet accord après le retrait des Etats-Unis.
Mohammad Zarif a entamé sa tournée diplomatique le 13 mai à Pékin et se rendra après ses entretiens dans la capitale russe à Bruxelles, où il rencontrera ses homologues français, allemand et britannique. Il aura alors fait le tour des cinq puissances qui, outre les Etats-Unis, avaient signé avec l'Iran le texte de 2015.
Après avoir rencontré son homologue chinois, le ministre iranien a semblé afficher un optimisme prudent quant aux possibilités de sauver cet accord historique, qui prévoyait une levée des sanctions visant son pays en contrepartie de l'engagement de la République islamique de ne pas se doter de l'arme nucléaire.
Lavrov s'inquiète de la «situation de crise» engendrée par la décision de Trump
A Moscou, Mohammad Zarif doit s'assurer du soutien de son allié alors que le président russe Vladimir Poutine a multiplié les contacts le 11 mai en s'entretenant avec la chancelière allemande Angela Merkel après le président turc Recep Tayyip Erdogan, plaçant la Russie au centre du jeu après le retrait fracassant des Américains.
Selon l'agence de presse Interfax, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov a estimé le 14 mai que le retrait de Washington de l'accord, décidé par Donald Trump, avait créé «une situation de crise». Cité par l'AFP, le ministre russe des Affaires étrangères a également déclaré que, selon lui, la Russie et les Européens devaient «défendre leurs intérêts de concert» dans ce dossier.
Zarif veut des «assurances» pour les «intérêts de Téhéran»
Le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Zarif a expliqué le 14 mai vouloir obtenir, lors de sa tournée à Pékin, Moscou et Bruxelles, des «assurances» des signataires de l'accord sur le nucléaire que les intérêts de Téhéran seraient défendus après la sortie des Etats-Unis : «L'objectif final de tous ces pourparlers, c'est d'obtenir des assurances que les intérêts du peuple iranien, garantis par [l'accord] seront défendus», a-t-il déclaré, cité par les agences russes au début d'un entretien à Moscou avec son homologue russe.
Lors d'une rencontre le 10 mai à Téhéran, le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov et son homologue iranien Abbas Araghchi avaient déjà souligné leur «attachement à la sauvegarde de l'accord».
Le 9 mai, Vladimir Poutine s'était pour sa part dit «profondément inquiet» de la décision de Donald Trump. La préservation de l'accord devient ainsi un objectif commun à Moscou et aux Européens, événement rare vu les tensions de ces dernières années, alimentées par les dossiers syrien et récemment renforcées par l'empoisonnement de l'ancien agent double Sergueï Skripal en Angleterre.
«La coopération [entre les Européens] et la Russie, qui semblait hier encore impossible avec l'affaire Skripal, les expulsions croisées de diplomates et l'affaiblissement des contacts, bénéficie désormais d'un nouvel élan», souligne Andreï Baklitski, analyste au centre de recherche russe PIR.
Angela Merkel est attendue le 18 mai à Sotchi, dans le sud de la Russie, pour une rencontre avec Vladimir Poutine, tandis que le président français Emmanuel Macron doit se rendre à Saint-Pétersbourg à la fin du mois de mai. Vladimir Poutine rencontrera également Yukiya Amano, le directeur de l'Agence mondiale atomique à Sotchi, selon son conseiller Iouri Ouchakov.
La diplomatie russe s'impose au Proche-orient
La Russie s'est imposée ces dernières années comme un acteur majeur au Proche-Orient, un rôle renforcé par son intervention militaire en Syrie lancée en 2015 en soutien au président syrien Bachar al-Assad. Elle entretient de bons rapports avec des pays aux intérêts divergents et parfois rivaux, de l'Iran à la Turquie en passant par Israël.
Longtemps antagonistes, la Russie et l'Iran ont vu leurs relations s'améliorer avec la fin de la guerre froide. Alors que Téhéran était au ban des nations, Moscou a accepté de reprendre au milieu de la décennie 1990 le contrat de construction de la centrale nucléaire de Bouchehr (sud de l'Iran), abandonné par l'Allemagne.
Les Iraniens espèrent désormais «être capables d'établir un cadre futur clair pour l'accord», selon Mohammad Zarif, qui a néanmoins averti que l'Iran était «prêt pour toutes les options» si ses intérêts n'étaient pas assurés. Le 11 mai, il avait d'ailleurs affirmé que Téhéran se préparait à reprendre «l'enrichissement industriel» d'uranium «sans aucune restriction» à moins que l'Europe ne fournisse de solides garanties de maintien des relations commerciales avec l'Iran. L'accord a été conclu en juillet 2015 après des années d'âpres négociations entre l'Iran et le groupe 5+1 (Allemagne, Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni et Russie). Aux termes de l'accord, Téhéran a accepté de geler son programme nucléaire jusqu'en 2025.