Plus de 40 manifestants palestiniens participant à la Grande marche du retour ont été tués durant les cinq premières semaines de mobilisation à la frontière de Gaza et d'Israël. A la veille du 4 mai, sixième vendredi de protestation, RT a rencontré des Israéliens qui militent pour les droits des Palestiniens. Tous parlent d'une volonté politique israélienne de rendre la vie des Palestiniens la plus dure possible.
Miriam Marmur est membre de Gisha, une ONG israélienne luttant pour les droits des Palestiniens à la libre circulation. Selon cette militante, la dernière décennie a été déterminante dans l'accroissement des tensions actuelles le long de la frontière de Gaza. Suite à l'arrivée au pouvoir du Hamas en 2007 et la fermeture par Israël des accès terrestre, maritime et aérien de l'enclave palestinienne, «les habitants de Gaza ont vécu des restrictions excessivement sévères et croissantes», explique l'activiste israélienne. Les conditions de vie qui en résultent sont «vraiment insupportables» raconte Miriam Marmur pour qui «la vague actuelle de protestations ne peut être comprise détachée de ce contexte». C'est une situation «qui ne peut être résolue par des mesures militaires», affirme cette militante.
Selon Miriam Marmur, de nombreux Israéliens ont une idée erronée de la situation à Gaza. Ils pensent qu'Israël s'est désengagé de l'enclave en 2005. Ce «désengagement» fait référence au retrait unilatéral de tout le personnel et des installations militaires israéliens, ainsi que de quelque 9 000 colons de la bande de Gaza. Pour la militante israélienne, «ce genre d'illusion de la fin du contrôle est certainement quelque chose qui se répercute sur la compréhension qu'on les gens de ce qui se passe maintenant». L'ONG Gisha considère que la détérioration massive des conditions de vie à Gaza est «la conséquence calculée d'une politique délibérée d'Israël».
La loi comme arme
L'avocat israélien des droits de l'homme Nery Ramati, qui a passé une décennie à représenter les Palestiniens dans les tribunaux militaires contre l'Etat d'Israël affirme que le système juridique israélien est conçu pour persécuter les Palestiniens. Il raconte que son point de vue sur le conflit a changé radicalement au fil des années : «Je me souviens qu'au début, lorsque je me rendais dans les territoires occupés, j'étais encore très entraîné mentalement à craindre les Palestiniens. Maintenant j'ai peur, mais pas des Palestiniens. J'ai peur à cause des soldats [israéliens] et de la police.»
Concernant son travail d'avocat, Nery Ramati assure que la plupart des affaires impliquant des accusés palestiniens se terminent par un arrangement dans le cadre d'une transaction pénale : «Comme la plupart d'entre eux sont mis automatiquement en détention provisoire, demander leur acquittement devant les tribunaux prendrait beaucoup plus de temps.» L'avocat est donc contraint de négocier un arrangement avec le tribunal.
Un récent rapport de l'ONG israélienne de défense des droits de l'homme B'Tselem corrobore son propos, montrant un taux de condamnation de près de 100% pour les Palestiniens traduits devant les tribunaux militaires.
Le cabinet Ramati travaille avec Ahed Tamimi, une jeune fille de 17 ans récemment condamnée à huit mois de prison pour avoir giflé un soldat israélien. Pour l'avocat israélien, les enfants palestiniens des villages proches des colonies israéliennes illégales sont spécifiquement ciblés comme un moyen de saper la communauté : «Ils identifient les enfants et les écrasent, et ils le font par la loi», dénonce-t-il.
Les effets des arrestations sur les jeunes Palestiniens peuvent être dévastateurs tant au niveau individuel que communautaire. «Beaucoup de mes clients, peut-être 50%, abandonnent l'école après la prison, explique Nery Ramati. L'expérience d'être arrêté est très violente. Pour les plus sensibles d'entre eux, c'est très traumatisant. Ils ont peur du bruit d'un coup frappé à la porte. S'ils voient un soldat, ils l'éviteront. Il y a aussi un coût financier énorme pour la famille, explique-t-il, car il y a toujours la condamnation à une amende.» L'avocat raconte également que les parents ne peuvent parfois pas payer pour une libération anticipée et doivent laisser leurs enfants en prison. De plus, les parents des enfants emprisonnés risquent de perdre leur emploi parce que leurs visas pour travailler en Israël sont révoqués lorsque leur enfant est reconnu coupable.