Majoritairement pro-européenne, la chambre des Lords a adopté le 30 avril, par 335 voix contre 244, un amendement au projet de loi sur la sortie de l'Union européenne (UE) donnant au Parlement le pouvoir d'empêcher le gouvernement de quitter le giron européen sans accord avec Bruxelles.
Cette proposition offre aux parlementaires la possibilité «de suggérer de nouvelles négociations», voire de décider d'un maintien dans l'UE, selon le Lord conservateur Douglas Martin Hogg, l'un des signataires.
Le gouvernement conservateur de Theresa May avait précédemment indiqué qu'il laisserait certes le Parlement voter sur l'accord de divorce. Mais en cas de rejet, la seule option restante était alors une sortie sans accord, une perspective qui inquiète en particulier les entreprises britanniques.
Ce vote est donc un énième revers pour le gouvernement depuis le début de l'examen de son projet de loi par les Lords, non élus, et illustre les divisions persistantes des tories (conservateurs) sur le Brexit.
Avant même son adoption, un porte-parole du Premier ministre britannique avait prévenu que l'amendement risquait «d'affaiblir la main du Royaume-Uni dans les négociations sur le Brexit».
Le texte doit toutefois revenir dans les prochaines semaines devant les députés, qui l'avaient adopté en janvier et qui pourraient donc supprimer cet amendement.
Quelle solution pour l'Irlande ?
Le vote est intervenu quelques heures après une mise en garde du négociateur en chef du Brexit pour l'UE, Michel Barnier, sur la question de la frontière irlandaise.
«Le cadre de l'accord doit contenir une solution claire et opérationnelle concernant l'Irlande», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse en Irlande. «Tant que nous n'aurons pas atteint cet accord, il y a un risque» que ces négociations n'aboutissent pas.
S'exprimant à Dundalk, à un jet de pierre de la frontière avec l'Irlande du Nord, il a dit espérer des progrès d'ici les conseils européens de juin puis d'octobre, tout en insistant sur le fait qu'il n'était pas «favorable à repousser davantage» la conclusion d'un accord.
Le Royaume-Uni comme l'UE disent vouloir éviter le rétablissement d'une frontière «dure» entre la province britannique d'Irlande du Nord et la République d'Irlande voisine, membre de l'UE, après la sortie britannique de l'UE fin mars 2019.
Il s'agit de préserver l'accord de paix de 1998 ayant mis fin à trois décennies d'affrontements sanglants entre nationalistes et unionistes nord-irlandais, en renforçant les liens entre les deux territoires.
En mars, les Britanniques avaient accepté d'intégrer dans l'ébauche d'accord de retrait de l'UE l'option d'un «espace réglementaire commun» incluant l'UE et l'Irlande du Nord, au moins jusqu'à ce qu'une solution satisfaisante soit proposée.
Cette solution, dite de «backstop», «est sur la table à cause des lignes rouges dressées par le Royaume-Uni», selon Michel Barnier, Londres ayant décidé de quitter l'union douanière et le marché unique après le Brexit.
Pour lui, il s'agit d'une «solution opérationnelle» proposée par l'UE et non d'une «remise en cause de l'intégrité constitutionnelle du Royaume-Uni», où certains craignent de voir naître une frontière interne si l'Irlande du Nord reste alignée sur la réglementation européenne contrairement au reste du pays.
Une critique exprimée notamment par les élus du petit parti unioniste nord-irlandais DUP, allié vital de Theresa May qui détient une majorité très fragile au Parlement.
Arrivé dans l'après-midi à Newry, du côté nord de la frontière, où il a rencontré des acteurs économiques, Michel Barnier a répété que Londres et Bruxelles s'étaient mis d'accord «pour protéger l'économie de l'île et toutes les formes de coopération entre le Nord et la République».
Plus tôt, le Premier ministre irlandais Leo Varadkar avait déclaré qu'en aucun cas «l'Irlande et l'UE ne souhaitaient annexer» l'Irlande du Nord, affirmant que «le backstop n’est la solution préférée de personne» mais que «les lignes rouges posées par le Royaume-Uni sont les principaux obstacles».