Le 14 février, un élu local du parti anti-immigration AfD (Alternative pour l'Allemagne), Andre Poggenburg, patron du groupe des députés AfD du Land de Saxe-Anhalt, dans l'Est de l'Allemagne, a déclenché un tollé en tenant des propos visant les Turcs.
«Ils ont eux-mêmes un génocide de 1,5 million de personnes au cul», a-t-il déclaré lors d'une réunion politique, en référence aux massacres d'Arméniens en 1915 et en 1916 par l'empire ottoman. «Et ils veulent nous apprendre quelque chose sur l'histoire et la patrie ? Ils déconnent complètement ! Ces chameliers devraient retourner chez eux, loin derrière le Bosphore, à leurs cabanes en torchis et à leur polygamie !», a-t-il argumenté.
Le chef de l'Etat allemand, Frank-Walter Steinmeier, a dénoncé une «stratégie» mise en œuvre par l'AfD, faite de «propos excessifs, d'attitudes sans-gêne et haineuses». Le président allemand a également exhorté les citoyennes et les citoyens de ce pays à ne pas «se laisser manipuler».
La communauté turque indignée
L'élu, qui a plaidé le 15 février la «satire politique», répondait aux critiques de membres de la communauté turque d'Allemagne, forte d'environ trois millions de personnes, contre la création d'un ministère de l'Intérieur et de la Patrie en Allemagne.
Ce ministère est prévu dans le futur gouvernement que la chancelière conservatrice Angela Merkel veut mettre sur pied avec les sociaux-démocrates. La communauté turque y voit un risque d'«exclusion et de division».
L'appellation ministère «de la Patrie», nouvelle en Allemagne pour ce portefeuille, est considérée comme un geste à l'égard de l'électorat le plus conservateur, inquiet de l'arrivée de plus d'un million de migrants dans le pays depuis 2015.
Choquées par les propos de l'élu de l'AfD, des associations turques ont annoncé le 15 février des dépôts de plainte pour «incitation à la haine raciale».
Le Parquet de Dresde a aussi annoncé qu'il examinait la possibilité d'ouvrir une procédure contre l'élu.
Parmi la classe politique, les condamnations ont également fusé. La gauche radicale a estimé que l'AfD «se rapprochait de Goebbels», le ministre de la Propagande d'Adolf Hitler. Un élu du parti démocrate-chrétien d'Angela Merkel a accusé l'AfD «de répandre à dessein la haine en Allemagne et de s'être disqualifiée», tandis que le parti social-démocrate a réclamé une surveillance du mouvement par le Renseignement intérieur.
Le président de l'AfD Jörg Meuthen n'a condamné lui qu'à demi-mots son élu. Il a certes jugé qu'Andre Poggenburg était «allé trop loin», tout en regrettant les critiques contre un ministère de la Patrie, «une réalité évidente dans d'autres pays», selon lui.
Cette polémique est survenue le jour même d'une rencontre entre Angela Merkel et le Premier ministre turc, Binali Yildirim, étape importante dans les efforts de rapprochement entre les deux pays après plus d'un an de brouille.
L'AfD, parti euro-sceptique et anti-immigration, a fait une entrée fracassante en septembre à la chambre des députés, où elle compte près d'une centaine d'élus.