Dans un entretien paru dans les colonnes du Figaro daté du 31 janvier, Emmanuel Macron a durci le ton envers son homologue turc, Recept Tayyip Erdogan. Il a notamment évoqué l’éventualité que l’opération «Rameau d’olivier» menée par le président turc puisse se muer en «invasion» du sol syrien.
«On ne peut pas avoir une sécurité bâtie sur le terrain sans respect de la souveraineté syrienne contre un ennemi [les Kurdes] qui n'est plus Daesh», a estimé Emmanuel Macron.
La réaction du président français à l’intensification des frappes sur la région d’Afrin
Emmanuel Macron avait été interviewé la veille par les journalistes du Figaro, après le dîner de la communauté arménienne de France à Paris. Depuis le 29 janvier, Ankara a intensifié ses frappes et semble vouloir élargir le théâtre de ses opérations, visant notamment la ville de Manbij, à l'est d'Afrin. Selon le chef de l'Etat français, l’attaque turque de l’enclave kurde de la région d’Afrin en Syrie «suppose d'avoir des discussions et de prendre des décisions à la fois entre Européens, mais plus largement entre alliés».
Selon le président de la République, ce manque de concertation «change la nature de cette incursion turque et c'est pour cela [qu’il va parler] dans les prochains jours à nouveau avec Erdogan». Emmanuel Macron souhaiterait trouver une solution incluant l’avis des Saoudiens, des Egyptiens, des Russes, des Américains, des Turcs et même celui des opposants syriens.
«A ce moment, cette opération nous pose un problème réel»
Emmanuel Macron lance alors un avertissement à son homologue turc : «S'il s'avérait que cette opération devait prendre un autre tour qu'une action pour lutter contre un potentiel terroriste menaçant la frontière turque et que c'était une opération d'invasion, à ce moment, cette opération nous pose un problème réel.» Reste à déterminer la différence entre une frappe contre des terroristes et des frappes d’invasion. Durant la guerre en Syrie, les milices kurdes qu'Ankara prend aujourd'hui pour cible ont été les alliées de la coalition occidentale et ont été soutenues officieusement par les Français pour lutter efficacement contre Daesh.
«J'ai appelé tout de suite à la précaution et à la retenue et évoqué dès les premières heures [de cette offensive] la préoccupation qui était la nôtre», a rappelé Emmanuel Macron.
Des expectatives mais pas d'accord sur la question kurde à Sotchi
Le président français a repris la ligne de son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Ce dernier s’était exprimé dans la journée du 30 janvier lors des questions au gouvernement devant l’Assemblée nationale : «Nous comprenons que la Turquie veuille sécuriser sa frontière et combattre les groupes terroristes. Si d’aventure la Turquie menait des opérations à des fins d'occupation territoriale alors elle serait totalement condamnable.»
A l'issue du Congrès du dialogue national syrien qui s'est déroulé à Sotchi les 29 et 30 janvier et qui avait pour but d'amorcer une résolution politique de la crise syrienne, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, a annoncé la création d'une Commission constituante syrienne. Ses représentants seront chargés d'établir un projet de nouvelle constitution pour le pays. L'une des mesures décidées serait la création d'un comité composé de 150 membres, chargé de traiter des changements à apporter dans la Constitution syrienne.
Le 20 janvier, le président turc avait lancé l'opération militaire «Rameau d'olivier» contre la ville et la région syriennes d'Afrin. Ce dernier est contrôlé par les Unités de protection du peuple (YPG), une milice kurde alliée des Etats-Unis et considérée comme terroriste par Ankara. Ce dernier accuse les YPG d'être la branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène une rébellion dans le sud-est de la Turquie. L'opération avait déjà fait 55 morts civils le 29 janvier, selon Le Point.