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Indépendance du Kurdistan : l'interdiction des vols internationaux entre en vigueur

Selon les résultats officiels proclamés le 27 septembre par la commission électorale, 92,73% des votants (plus de 3 millions de Kurdes irakiens) se sont prononcés en faveur de l'indépendance du Kurdistan.

Vendredi 29 septembre

Les Etats-Unis ne reconnaissent pas le référendum «unilatéral» organisé par le gouvernement du Kurdistan et appellent au calme et à la fin des «récriminations et menaces d'actions réciproques», selon les termes employés par le secrétaire d'Etat Rex Tillerson cités par Reuters. 

«Le vote et les résultats manquent de légitimité et nous continuons à soutenir un Irak uni, fédéral, démocratique et prospère», a précisé le secrétaire d'Etat américain. 

L'interdiction des vols internationaux (saufs militaires, diplomatiques et humanitaires) vers et depuis le Kurdistan irakien ordonné par Bagdad entre officiellement en vigueur. 

Les ressortissants étrangers ou les Irakiens kurdes et arabes possédant une autre nationalité affluent à l'aéroport d'Erbil, à quelques heures de la suspension des vols internationaux ordonnés par Bagdad.

Les vols militaires, humanitaires et diplomatiques ne sont pas concernés par cette mesure. 


L'Iran suspend temporairement tout échange de produits pétroliers avec le Kurdistan irakien. 

«L'organisation des transports et de la gestion du trafic a temporairement interdit le chargement et le transport de carburant de l'Iran vers le Kurdistan irakien et depuis celui-ci au vu des récents événements dans la région», selon l'agence iranienne Tasnim.

Mercredi 27 septembre

Résultats officiels

Le «oui» l'a emporté avec 92,73% au référendum d’indépendance organisé au Kurdistan irakien à l'initiative du président de cette région autonome, Massoud Barzani, selon les résultats officiels proclamés le 27 septembre par la commission électorale. 

«Sur 3 305 925 votants, le oui a obtenu 92,73% et le non 7,27%», a affirmé cette commission, précisant par ailleurs que la participation avait atteint 72,16%. Ce scrutin a été vivement dénoncé par le pouvoir central irakien et les pays voisins.

Le Parlement irakien a demandé le 27 septembre au Premier ministre Haider al-Abadi d'envoyer des troupes dans la province multi-ethnique de Kirkouk, que se disputent les Kurdes et le gouvernement central, afin de prendre le contrôle de ses champs pétrolifères, selon une information de la télévision d'Etat irakienne citée par Reuters.

Le Premier ministre irakien, Haider al-Abadi, a exhorté le 27 septembre  les autorités kurdes à «annuler» les résultats du référendum comme condition du dialogue pour résoudre la crise dans la région.  

Dans un discours au Parlement, Haider al-Abadi a renouvelé son ultimatum au gouvernement régional du Kurdistan (KRG) de Masoud Barzani qu’il menace de blocus aérien, au moyen d'une interdiction des vols internationaux directs vers la région kurde.

Les compagnies aériennes libanaise Middle East Airlines (MEA) et égyptienne Egyptair suspendront leurs vols vers et depuis Erbil dans le nord de l'Irak à partir du 29 septembre, après une décision du gouvernement irakien. Deux sources au sein d'Egyptair ainsi que le président de MEA Mohammad al-Hout, ont confirmé l’information, cités par Reuters.

Ankara a fait savoir, le 27 septembre, que la frontière de la Turquie avec le nord de l'Irak restait ouverte pour le moment, mais selon le ministre turc des Douanes Buldi Tufenkci, «cela ne signifie pas qu'elle restera ouverte». Il a ajouté que le nombre de camions ayant traversé la frontière avait  diminué.

Buldi Tufenkci, qui s’exprimait en direct à la télévision, a également déclaré qu'il ne croyait pas que les développements dans le nord de l'Irak auraient un grand impact sur le commerce turc, selon l’agence Reuters.

Vivement opposée au référendum kurde, la Turquie, par la voix de son président Recep Tayyip Erdogan, a multiplié les menaces de sanctions contre la région autonome.

«Qui reconnaîtra votre indépendance ? Israël», a lancé Recep Tayyip Erdogan, le 26 septembre 2017, à l'adresse du Kurdistan irakien, cité par le journal turc Hurriyet. Et de poursuivre, d'un ton menaçant : «Mais Israël n'est pas le monde. Vous devriez savoir que brandir un drapeau israélien ne vous sauvera pas.»

Lire aussi : «Un drapeau israélien ne vous sauvera pas» : Erdogan menace d'affamer les Kurdes d'Irak

Mardi 26 septembre

Tandis que le «oui» à l'indépendance du Kurdistan l'a emporté, le dirigeant turc Recep Tayyip Erdogan multiplie les menaces à l'encontre des Kurdes irakiens. Il pourrait notamment bloquer 90% des exportations de pétrole en provenance du Kurdistan, lesquelles, à hauteur de 500 000 barils par jour aboutissaient jusqu'à présent dans le port turc de Ceyhan en Méditerranée.

Massoud Barzani, président du gouvernement régional du Kurdistan, a annoncé officiellement que le «oui» l'avait emporté au référendum sur l'indépendance du Kurdistan du 25 septembre 2017, avec 91,83% des 3,45 millions de suffrages. 

Le Premier ministre irakien Haïder al-Abadi donne 72 heures au Kurdistan pour lui remettre le contrôle des aéroports et des frontières. A l'issue de ce délai, Baghdad interdira les vols internationaux depuis et vers le Kurdistan irakien. 

Le ministre des Affaires étrangères syrien, Walid al-Mouallem prévient que son pays rejette «définitivement» le référendum car la Syrie est «pour l'unité de l'Irak».

Selon des résultats provisoires communiqués par l'AFP, environ 3,3 millions de votants ont pris part au scrutin. Ils se sont prononcés à 90% en faveur de l'indépendance du Kurdistan.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a mis en garde le 26 septembre contre un risque de «guerre ethnique et confessionnelle» si le Kurdistan irakien menait à terme son projet d'indépendance auquel Ankara s'oppose fermement.

«Si [le leader kurde irakien Massoud] Barzani et le gouvernement régional du Kurdistan ne reviennent pas très vite sur cette erreur, alors ils passeront à l'histoire avec l'ignominie d'avoir poussé notre région dans une guerre ethnique et confessionnelle», a déclaré Recep Tayyip Erdogan lors d'un discours télévisé au lendemain du référendum d'indépendance kurde dans le nord de l'Irak. 

Lundi 25 septembre

La participation au référendum sur l'indépendance du Kurdistan irakien est de 78%, d'après le média officiel kurde Rudaw TV.

Tandis que le décompte des voix du référendum sur l'indépendance du Kurdistan irakien a débuté, Bagdad a annoncé que l'armée irakienne avait débuté des manœuvres aux frontières de la région autonome kurde.

Le décompte des voix dans le cadre du référendum sur l'indépendance du Kurdistan irakien a commencé, d'après Reuters.

Les autorités turques ont décidé le 25 septembre d'arrêter la diffusion de trois chaînes kurdes irakiennes sur l'opérateur satellite Türksat, au moment où les Kurdes d'Irak votaient pour leur indépendance dans le cadre d'un référendum rejeté par Ankara.

Les chaînes Rudaw, Waar et K24 ont été bloquées sur Türksat parce qu'elles ne sont pas basées en Turquie et ne disposent pas de licence de diffusion, selon la décision de l'Autorité turque des médias (RTÜK) citée par l'agence Dogan.

Dogan précise que cette décision a été prise au cours d'une réunion extraordinaire, à laquelle ont seulement participé les membres de RTÜK issus du parti au pouvoir AKP et du parti nationaliste MHP, les représentants des partis d'opposition social-démocrate CHP et prokurde HDP «n'étant pas en ville».

Le HDP a dénoncé dans un communiqué une décision «politique» qui porte atteinte au «droit à l'information du public», et a accusé la RTÜK d'être sous l'influence du gouvernement.

Le président de la Turquie Recep Tayyip Erdogan a mis en garde le gouvernement régional kurde contre les conséquences éventuelles d'un «oui» au référendum sur l'indépendance du Kurdistan irakien.

Considérant que la situation en Irak et en Syrie représentait un danger pour la Turquie, Recep Tayyip Erdogan fait ainsi savoir qu'il ne s'interdit aucune option.

Une heure avant la fermeture des bureaux de vote, la participation s'élève à 76%, selon la chaîne de télévision Kurdish Rudaw.

Un couvre-feu a été imposé dans le centre de Kirkouk ainsi que dans les secteurs arabe et turkmène de cette ville du nord de l'Irak, à l'issue du référendum d'indépendance organisé dans la journée au Kurdistan irakien.

«Un couvre-feu total dans ces secteurs a été imposé jusqu'à nouvel ordre sur décision du gouverneur [kurde] et du chef de la police de Kirkouk, pour contrôler la situation sécuritaire [...] et protéger les citoyens», a affirmé à l'AFP le colonel de police Afrasiyao Kader.

L'écrivain Bernard-Henri Lévy a fait le déplacement au Kurdistan irakien en tant qu'observateur du vote.

Célèbre pour ses prises de positions souvent controversées, le penseur à la chemise ouverte a fait part de son soutien clair à la création d'un Etat indépendant en tweetant : «Naissance d'une nation démocratique dans un Proche-Orient en proie à l'islamisme.»

Le vice-président de l'Irak Nouri al-Maliki a fustigé la tenue du référendum dans la région autonome du Kurdistan irakien.

«Le référendum est une déclaration de guerre contre l'unité du peuple irakien», a déclaré celui qui dirige le parti conservateur islamique Dawa.

Alors que les tensions entre le Kurdistan irakien et le gouvernement irakien, mais aussi l'Iran et la Turquie, sont fortes, le ministre des Affaires étrangères britannique Boris Johnson a appelé à l'apaisement.

Il a déclaré : «J'exhorte toutes les parties à garder leur calme et à travailler ensemble pour vaincre Daesh. Le futur de l'Irak réside dans le dialogue. Le Royaume-Uni est prêt à apporter son aide.»

Le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem, a dénoncé le référendum d'indépendance organisé par la région autonome du Kurdistan irakien, soulignant que Damas ne reconnaissait qu'un Irak unifié.

«[Damas] ne reconnaît rien d'autre que l'unité de l'Irak», a dit Walid Mouallem, cité par l'agence de presse officielle syrienne SANA.

«Nous rejetons toute action susceptible de mener à la fragmentation de l'Irak», a-t-il poursuivi. «Cette démarche est inacceptable et nous ne la reconnaissons pas», a-t-il ajouté, affirmant avoir fait état de la position de Damas à son homologue irakien.

Le journal syrien Al-Watan, proche du gouvernement, a également cité un responsable des Affaires étrangères syriennes, Aymane Soussane, critiquant le vote.

«Ceci est le résultat des politiques américaines destinées à diviser et créer des conflits dans la région», accuse Aymane Soussane pour qui le référendum nuit «à l'Irak et aux frères kurdes».

Le Parlement irakien a exigé l'envoi de l'armée dans les zones disputées dont les forces kurdes ont pris le contrôle depuis l'invasion américaine de 2003 et la chute de Saddam Hussein, en réaction à la tenue du référendum d'indépendance au Kurdistan.

«Le Parlement exige du commandant en chef de l'armée [le Premier ministre Haïder al-Abadi] de déployer des forces dans toutes les zones contrôlées par la région autonome du Kurdistan [irakien] depuis 2003», selon la résolution votée par le Parlement.

Constitutionnellement, le gouvernement est contraint de se conformer à ce vote.

Les zones disputées sont situées en dehors des trois provinces du nord de l'Irak qui font partie initialement de la région autonome du Kurdistan. Ces régions disputées sont la riche province pétrolière de Kirkouk, et des secteurs de celle de Ninive – dans le nord du pays –, de Dyala et de Salaheddine, au nord de Bagdad.

La plupart ont été conquises par les peshmergas, les combattants kurdes, en 2014 à la faveur du chaos qui a régné dans le pays après l'offensive des djihadistes du groupe terroriste Daesh.

L'Iran a affirmé que sa frontière terrestre avec le Kurdistan irakien restait ouverte, revenant sur une précédente déclaration du porte-parole du ministère des Affaires étrangères iraniens.

«La frontière terrestre entre l'Iran et la région du Kurdistan irakien est ouverte ; cette frontière n'a pas été fermée. Pour l'instant, seule la frontière aérienne entre l'Iran et cette région est fermée», précise un bref communiqué du ministère des Affaires étrangères iranien.

Furieux de la tenue du scrutin, le président turc Recep Tayyip Erdogan a annoncé qu'Ankara prendrait des mesures contre le Kurdistan irakien.

«Cette semaine, des mesures seront prises. Les entrées et sorties [à la frontière] seront fermées», a déclaré le président turc lors d'un colloque à Istanbul.

«Voyons par quels canaux et où le [Kurdistan irakien] vendra son pétrole. Les vannes sont chez nous. Une fois que nous fermons les vannes, ce travail est terminé», a-t-il ajouté en guise de menace d'un arrêt des exportations pétrolières, une mesure susceptible d'asphyxier l'économie du Kurdistan irakien. 

Quelque 550 000 des 600 000 barils par jour produits par le Kurdistan irakien sont exportés via un oléoduc débouchant dans le port turc de Ceyhan sur la Méditerranée, dans le sud de la Turquie.

«Nous prenons toutes les mesures nécessaires aux niveaux politique, économique et sécuritaire. Il n'y a aura pas de compromis», a encore dit Recep Tayyip Erdogan. Faisant référence à l'exercice militaire que l'armée turque mène actuellement à la frontière du Kurdistan irakien, le président turc a ajouté : «Notre armée n'est pas [à la frontière] pour rien. Nous pourrions arriver soudainement, une nuit.»

Le porte-parole du ministère iranien des Affaires a déclaré que l'Iran avait fermé ses frontières avec le Kurdistan irakien, selon l'agence Tasnim. 

«A la demande du gouvernement irakien, nous avons fermé nos frontières terrestres et aériennes avec le Kurdistan irakien», a déclaré Bahram Ghassemi. Il a qualifié d'«illégal et illégitime» le référendum d'indépendance organisé par la région autonome du Kurdistan irakien.

Le 24 septembre déjà, l'Iran avait annoncé l'arrêt de tous les vols iraniens vers les aéroports d'Erbil et de Souleiymanieh ainsi que tous les vols au départ du Kurdistan irakien transitant par l'Iran. 

«L'Iran est attaché à l'intégrité territoriale, la souveraineté nationale et l'évolution démocratique de l'Irak et toute action contraire à ces principes [...] pourra provoquer des dommages à tous, en particulier aux Kurdes», a encore déclaré Bahram Ghassemi.

Lors d'un entretien téléphonique le 24 septembre au soir avec le Premier ministre irakien Haider al-Abadi, le président iranien Hassan Rohani a de nouveau apporté son soutien à Bagdad.

«La République islamique d’Iran soutient totalement le gouvernement central irakien», a affirmé Hassan Rohani en soulignant l'opposition de Téhéran à toute action contraire à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale de l’Irak, selon l'agence officielle Irna.

Le «oui» l'a emporté avec 92,73% au référendum d’indépendance organisé au Kurdistan. Les pays voisins, comme la Turquie et l'Iran, ainsi que les autorités irakiennes, ont fait part de leur ferme opposition à la tenue du scrutin.

Suite à ce résultat, l'Irak a ordonné l'arrêt des vols internationaux depuis le Kurdistan Irakien sauf pour les vols humanitaires, militaires et diplomatiques.

Les Etats-Unis ont appelé au «dialogue» et au «calme» après avoir exhorté les autorités de la région autonome à renoncer à ce référendum. De son côté la Turquie, en position de force dans cette affaire car elle est le débouché clé de la région pour l'exportation du pétrole, a proposé la tenue d'un sommet Ankara-Téhéran-Bagdad. 

En Irak, on exclut pour l'instant toute négociation avec le Kurdistan «tant qu'ils ne déclareront pas les résultats du référendum caducs», a déclaré un haut responsable cité par l'AFP.