Le 9 septembre, en moins de 20 minutes, un mémorial construit par l'Armée rouge en 1945 dans la ville polonaise de Trzcianka, a été réduit à l'état de ruines sur ordre des autorités polonaises. Ce monument rendait hommage à 56 soldats soviétiques qui ont péri sur le champ de bataille pour libérer la ville de l'occupation nazie. Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, on peut voir des bulldozers réduire le mémorial en miettes.
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré que cet «acte de vandalisme» était «inacceptable» au vu des accords bilatéraux conclus entre les deux pays, concernant la préservation de la mémoire et des lieux funéraires des victimes de la guerre et de la répression nazie. Le chef de la diplomatie russe a ajouté que le gouvernement polonais était «pleinement conscient» de la ferme opposition de Moscou à cette démolition.
«Nous considérons cet incident scandaleux comme une illustration et une conséquence directe de la politique anti-russe du gouvernement polonais dans le domaine commémoratif, entre autres», a fait savoir Sergueï Lavrov dans un communiqué publié le 9 septembre. Il a également estimé que le manque de respect envers «le souvenir de la guerre et ses héros» affiché ostensiblement par la Pologne constituait «un acte de barbarie».
Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, a lui aussi condamné la démolition du mémorial, ajoutant qu'il était «indigné» par cette offense faite à la mémoire de ceux qui ont «libéré le monde de la peste brune, du fascisme».
Selon Moscou, des restes de soldats soviétiques étaient inhumés sous le monument
Les autorités polonaises ont averti à deux reprises l'ambassade de Russie en Pologne qu'elles avaient l'intention de démolir le bâtiment. Mais, selon Alexeï Fomichev, chef de la mission commémorative militaire du ministère de la Défense russe en Pologne, cité par l'agence TASS, Moscou n'a été prévenu de la décision finale de mener à bien cette démolition que lorsque celle-ci était déjà en cours.
De plus, selon ce responsable russe, Varsovie n'a pas été en mesure de prouver qu'il n'y avait pas de restes de soldats russes enterrés sous le monument. Or, selon lui, des restes de combattants soviétiques tombés au combat auraient bien été inhumés sous ce mémorial.
Alexeï Fomichev a également fait valoir que la délégation russe et les autorités locales polonaises avaient discuté de la possibilité d'inclure le mémorial sur une liste de monuments historiques protégés par les accords bilatéraux trois semaines avant sa démolition.
Croisade polonaise contre la «propagande communiste»
La destruction du monument s'inscrit dans un ensemble de nouvelles mesures adoptées par la Diète [Sejm en polonais], chambre basse du Parlement polonais, qui ont pour but d'interdire «la propagande communiste et celle d'autres régimes totalitaires». Ces mesures prévoient notamment la destruction de monuments de la période soviétique, dont certaines constructions consacrées aux soldats de l'Armée rouge ayant combattu le nazisme.
Ces nouvelles mesures ayant été adoptées par les parlementaires polonais, le ministère russe des Affaires étrangères a dénoncé «une décision effroyable qui endommage l'héritage de la lutte contre le fascisme».
Cette ligne de «désoviétisation» adoptée par le gouvernement polonais du Parti loi et justice (PiS) a conduit à l'éviction de la Russie d'un projet multinational pour la création d'un nouveau mémorial, sur le site du camp d'extermination nazi de Sobibor, auquel Moscou s'était pourtant engagé à contribuer de manière conséquente.
«Empêcher la Russie de rejoindre les participants au projet [du nouveau mémorial de Sobibor] est un acte délibéré de russophobie de la part de Varsovie qui tente d'imposer sa propre vision de l'histoire en niant le rôle de l'URSS et de l'Armée rouge dans la libération de l'Europe du nazisme», a dénoncé Sergueï Lavrov.
«La Russie est l'ennemi dont le gouvernement polonais a besoin»
Interrogé par RT, Bruno Drweski, professeur à l'Institut national des langues et des civilisations orientales (Inalco), estime qu'une politique anti-russe est alimentée chaque jour un peu plus par les autorités polonaises, qui entendent faire passer la Russie pour un ennemi extérieur.
Si vous demandez aux gens dans la rue en Pologne, ils vous diront que tout cela n'est rien d'autre que du vandalisme. Mais les médias et le gouvernement polonais travaillent de cette façon
«En Pologne, on a besoin d'un ennemi. Le nazisme et le nationalisme ukrainien sont très impopulaires ici. Le gouvernement fait tout pour donner une image négative de la Russie, car il ne peut pas critiquer l'Allemagne ou l'Ukraine, c'est cela la réalité», estime Bruno Drweski.
Dans le même temps, d'après l'universitaire, la plupart des Polonais ne soutiennent pas la politique antirusse que mènerait leur gouvernement : ils n'accepteraient pas que l'histoire soit réécrite, en supprimant toute mention de la contribution de l'Armée rouge à la victoire contre le nazisme.
«[La politique du gouvernement] est de la pure démagogie. Si vous demandez aux gens dans la rue en Pologne, ils vous diront que tout cela [la destruction des mémoriaux à l'Armée rouge] n'est rien d'autre que du vandalisme. Mais les médias et le gouvernement polonais travaillent de cette façon», a déclaré Bruno Drweski. Le professeur a ajouté que de nombreux Polonais respectaient le rôle de l'armée soviétique durant la Seconde Guerre mondiale, mais que le gouvernement faisait tout pour l'effacer.