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Majorité écrasante pour LREM : le flop des «élections les plus démocratiques de l'Histoire»

La séquence électorale de 2017 s'achève avec une participation historiquement basse à des législatives qui marquent le triomphe d'un parti désormais hégémonique à l'Assemblée. Le second souffle tant attendu de la vie politique ne semble pas venu.

Face à la défiance croissante des Français envers leurs représentants politiques comme les institutions, la campagne électorale de 2017 devait être celle qui permettrait de donner un nouveau souffle à la démocratie. En moins de sept mois, les Français auront eu l'occasion de voter à huit reprises : deux fois pour choisir le candidat de la droite, deux fois pour choisir celui de la gauche, deux fois pour choisir leur président et deux fois pour choisir leurs députés : un record absolu !

Pourtant, avec un record de 57% d'abstention pour le second tour des législatives, les Français semblent s'être considérablement désintéressés de la composition de la future Assemblée. La très large majorité que vient d'obtenir La République en marche ! (LREM) contraste avec le nombre de Français ayant effectivement accordé leur voix au parti présidentiel. Quant au pluralisme politique dans les rangs du palais Bourbon, il n'aura jamais été aussi faible : l'opposition ne devrait disposer que d'une centaine de sièges. 

La très courte dynamique des primaires

Conscients d'être à bout de souffle, les partis politiques traditionnels ont décidé d'organiser des primaires ouvertes à tous les citoyens, afin d'affirmer la légitimité de leurs candidats. Celle de la droite avait poussé vers la sortie un ancien président de la République et celle de la gauche un ancien Premier ministre. Une mobilisation relativement forte pour de tels scrutins semblait de plus démontrer une volonté de la part des électeurs de faire émerger les outsiders face aux favoris, notamment portés par les sondages. 

Néanmoins, François Fillon et Benoît Hamon se sont rapidement révélés être des «erreurs de casting», se voyant contestés jusque dans leur entourage. Le premier s'est retrouvé au centre d'affaires judiciaires très médiatisées qui ont freiné la dynamique qui l'avait porté lors des primaires. Quant au second, il a payé le prix des divisions internes que son programme a par ailleurs contribué à accentuer, ouvrant les vannes à une fuite massive d'électeurs vers Emmanuel Macron.

Quelques semaines plus tard, Manuel Valls, candidat malheureux à la primaire de la gauche, vient d'être réélu député de l'Essonne en se revendiquant de la majorité présidentielle. Bruno Le Maire, qui avait obtenu moins de 3% à la primaire de la droite, vient également d'être réélu député de l'Eure : le ministre avait été repêché par Emmanuel Macron pour devenir ministre de l'Economie dans un gouvernement dirigé par Edouard Philippe, un proche d'Alain Juppé... lui aussi éliminé à la primaire de la droite. François de Rugy, après avoir fait 3,83% à la primaire de la gauche, vient d'être réélu député de Loire-Atlantique sous les couleurs de LREM. Quant à Sylvia Pinel, qui avait obtenu 2% des voix à la primaire, elle conserve son siège de député du Tarn-et-Garonne avec le soutien de LREM. A bien des égard, la très nette victoire de LREM prend certains airs de revanche des vaincus et fait planer une ombre sur les promesses de renouvellement.

Un espoir de pluralisme rapidement éteint

Au cours de la campagne présidentielle, les marqueurs démocratiques s'étaient multipliés. Les partis politiques ont en effet rivalisé de moyens pour communiquer sur les réseaux sociaux et inter-réagir avec les Français. Pour la première fois, parallèlement aux nombreux émissions politiques, un débat a été organisé entre l'intégralité des candidats à la présidentielle. 

Au soir du premier tour de l'élection présidentielle, les Français semblaient avoir voulu mettre un terme à la traditionnelle opposition entre la gauche et la droite, qui structurait le paysage politique depuis plusieurs décennies. A l'effondrement du Parti socialiste et à l'échec des Républicains s'ajoutait l'émergence de trois forces politiques nouvelles ou jusque là circonscrites à des rôles d'opposition : le Front national, la France insoumise et En Marche !. 

Sur le papier, tout semblait donc annoncer une recomposition politique relativement profonde. Celle-ci paraissait devoir s'articuler autour de l'émergence d'un quadripartisme, alors qu'Emmanuel Macron, Marine Le Pen, François Fillon et Jean-Luc Mélenchon avaient chacun obtenu des scores proches de 20%. Nombreux étaient ceux qui se réjouissaient alors de la fin d'une interminable agonie des vieux partis traditionnels et de leur mode de fonctionnement.

Mais nombreuses étaient également les frustrations de la part des électeurs de François Fillon et Jean-Luc Mélenchon. Le taux d'abstention au second tour, malgré la présence du Front national, très mobilisatrice d'ordinaire, annonçait peut-être déjà la relative torpeur dans laquelle semblent s'être plongés les électeurs pour ces élections législatives. La fin du bipartisme, elle semble être advenue selon un scénario imprévu : dans une très forte indifférence des Français et au profit d'un seul parti au lieu de trois ou quatre.

Avec environ 355 sièges pour LREM selon les premières estimations de l'institut de sondage Ipsos, le triomphe du parti présidentiel est complet. Paradoxalement, le souffle démocratique tant désiré semble se faire attendre, et ce malgré la multiplication des échéances électorales, la médiatisation des débats et l'émergence de nouvelles forces politiques. Les efforts déployés pour restaurer la confiance des citoyens dans les institutions et dans la représentativité de leurs élus auront abouti à un monopartisme exacerbé. Reste à savoir si Emmanuel Macron saura profiter de cette marge de manœuvre exceptionnelle pour gagner l'adhésion des Français et résorber la fracture démocratique dont chaque élection révèle un peu davantage l'ampleur.

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