Séisme diplomatique au Moyen-Orient. 15 jours après une visite à Riyad du président américain Donald Trump qui avait demandé aux pays musulmans d'agir de manière décisive contre l'extrémisme religieux, l'Arabie saoudite, l'Egypte, le Barhein, et les Emirats arabes unis ont tous annoncé rompre leurs relations diplomatiques avec le Qatar.
Riyad a fait part de sa décision via son agence de presse officielle SPA, expliquant fermer sa frontière avec le Qatar pour «protéger sa sécurité nationale des dangers du terrorisme et de l'extrémisme».
«Le Qatar accueille divers groupes terroristes pour déstabiliser la région, comme la confrérie des Frères musulmans, Daesh et Al-Qaïda», a accusé un responsable saoudien. «L'Arabie saoudite a pris cette mesure décisive en raison des sérieux abus des autorités de Doha tout au long des dernières années [...] pour inciter à la désobéissance et nuire à sa souveraineté», a-t-il ajouté.
Le Caire a fait une déclaration similaire par l'intermédiaire du ministère des Affaires étrangères, déclarant «mettre fin à ses relations diplomatiques avec l'Etat du Qatar qui persiste à adopter un comportement hostile vis-à-vis de l'Egypte», et l'accusant de soutenir «le terrorisme». Le communiqué égyptien annonce en outre la fermeture des frontières «aériennes et maritimes» avec le Qatar.
Via son agence de presse officielle, le Bahreïn a pris une décision identique, accusant Doha d'«ébranler la sécurité et la stabilité [de son royaume] et de s'ingérer dans ses affaires» intérieures. Le Bahreïn et les Emirats arabes unis ont aussi rompu leurs liens diplomatiques avec le Qatar, également pour son «soutien au terrorisme», citant explicitement dans un communiqué Al-Qaïda et Daesh.
La coalition militaire arabe, dirigée par Riyad et qui intervient au Yémen, a par conséquent décidé d'exclure Doha de cette alliance. Dans un communiqué, la coalition indique que le Qatar soutient «le terrorisme», citant notamment Al-Qaïda et Daesh, mais aussi les rebelles pro-iraniens Houthis.
Le gouvernement du président Abd Rabbo Mansour Hadi au Yémen a cautionné la décision de la coalition arabe, et a à son tour rompu les relations diplomatiques avec le Qatar.
Le gouvernement de transition en Libye a aussi annoncé la rupture de ses relations avec le Qatar pour les mêmes motifs que les autres pays.
Un décision «injustifiée» selon Doha
Le ministre des Affaires étrangères qatari a regretté dans un communiqué une décision qu'il juge «injustifiée». «Ces mesures sont injustifiées et sont basées sur des allégations qui n'ont aucune base factuelle», a ainsi écrit le ministère.
L'émirat a estimé que ces mesures, prises «en coordination avec l'Egypte» avaient un objectif clair, à savoir «placer l'Etat [du Qatar] sous tutelle», ce qui marquait une violation de sa souveraineté et était «totalement inacceptable».
Exprimant «son profond regret et sa surprise», le ministère qatari a dénoncé «une campagne hostile, fondée sur des mensonges [...] témoignant d'une préméditation à nuire à l'Etat».
Le Qatar, membre du Conseil de coopération du Golfe (CCG), «respecte la souveraineté des autres Etats, n'interfère pas dans les affaires d'autrui, comme il lutte contre le terrorisme et l'extrémisme», a assuré le ministère des Affaires étrangères, ajoutant qu'il entreprendrait «les mesures nécessaires pour mettre en échec les tentatives d'affecter sa population et son économie».
Doha avait déclaré dès le 25 mai être victime d'une d'une campagne médiatique hostile, notamment aux Etats-Unis, après le piratage d'un média officiel au cours duquel des propos controversés avaient été attribués au chef de l'Etat, l'émir Tamim ben Hamad al-Thani.
Parmi les sujets prétendument évoqués par l'émir figuraient le mouvement palestinien Hamas, présenté comme «le représentant légitime du peuple palestinien», et l'Iran chiite vu comme un allié stratégique dans la région. Ces propos – que Doha avait catégoriquement rejetés, les qualifiants d'«entièrement faux» – avaient été relayés par de grands médias arabes, notamment aux Emirats arabes unis et en Arabie saoudite, faisant grand bruit.
Rex Tillerson appelle les pays du Golfe à rester unis
Le secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson a rapidement réagi, appelant les pays du Golfe à tenter de régler leurs divergences et à rester unis. «De toute évidence, nous encouragerons les parties à se réunir et à débattre de ces divergences», a-t-il déclaré le 5 juin à Sydney.
«Si nous avons un rôle à jouer pour les aider à affronter [leurs différends], nous pensons qu'il est important que le CCG (Conseil de coopération du Golfe) reste uni», a ajouté le chef de la diplomatie américaine. Le secrétaire d'Etat américain a cependant déclaré qu'il ne s'attendait pas à ce que cette crise «ait un impact significatif, ou d'impact du tout, sur le combat uni contre le terrorisme dans la région et dans le monde».
«Toutes ces parties que vous avez mentionnées se sont montrées tout à fait unies dans le combat contre le terrorisme et contre l'EI, et l'ont exprimé le plus récemment lors d'un sommet à Riyad», a-t-il ajouté.
Etihad Airways et Fly Dubaï suspendent leurs vols vers le Qatar
Dans la foulée de l'annonce de la rupture des liens diplomatiques entre Abou Dhabi et Doha, la compagnie aérienne Etihad des Emirats arabes unis a annoncé la suspension de tous ses vols vers et en provenance du Qatar.
Etihad Airways précise dans un communiqué que cette mesure n'entrera en vigueur que le 6 juin au matin, «jusqu'à nouvel ordre». La compagnie aérienne d'Abou Dhabi affirme proposer à ses clients «d'autres options», y compris des remboursements complets de billets d'avions. Etihad «regrette la gêne causée par la suspension», conclut le communiqué.
La compagnie aérienne Fly Dubaï a également annoncé sur son compte Facebook suspendre ses vols en provenance et vers le Qatar.
La compagnie de l'émirat Qatar Airways a rapidement réagi, en annonçant suspendre tous ses vols en direction de l'Arabie saoudite.
Si l'Arabie saoudite accuse le Qatar de soutenir le terrorisme et plus particulièrement Daesh, Riyad fait elle-même face à ces accusations de façon récurrente, notamment de la part de l'Iran. Wikileaks rappelle pour sa part dans un tweet que les e-mails d'Hillary Clinton ont révélé que la candidate démocrate était au courant du financement de l'organisation terroriste par Doha et Riyad dès 2014.
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