«A l'issue d'échanges [avec les rebelles] un accord a été trouvé sur les modalités de sortie de crise. Nous appelons l'ensemble des soldats [...] à retourner dans les casernes [...] Tout est mis en œuvre pour un retour rapide à une situation apaisée», a déclaré le 15 mai le ministre ivoirien de la Défense Alain-Richard Donwahi sur la chaîne nationale.
«On ne reconnaît pas l'accord. Est-qu'on fait des baptêmes sans le baptisé ? Aucun représentant de Bouaké n'était présent [le 15 mai] à leur "accord". D'après ce qu'on sait, c'était une réunion de hauts gradés», a réagi un rebelle sous couvert d'anonymat.
Après cette annonce, des nombreux tirs étaient audibles dans la soirée dans plusieurs villes, dont Abidjan. «Ce n'étaient pas des tirs de joie», a précisé un rebelle.
«On va voir ce qui est viré sur nos comptes demain [le 16 mai] et on verra, après concertation, si on lève le dispositif», a déclaré un autre à Bouaké, dans le centre du pays.
Aucun responsable n'était disponible dans l'immédiat pour expliquer cet accord qui porte sur le paiement de reliquats des primes promises après les mutineries de janvier qui avaient ébranlé le pays.
Les mutins avaient alors réclamé 12 millions de francs CFA de primes (18 000 euros) par personne, une somme importante pour le pays, et obtenu le versement dès janvier de cinq millions (7 500 euros). On leur avait promis les sept millions restants par tranche à partir de mai.
Avec le nouvel accord, les mutins toucheraient à nouveau cinq millions immédiatement.
«C'est évident que le gouvernement a cédé sur le paiement. Etant données la situation sécuritaire et les promesses faites en janvier, il ne semblait pas y avoir d'autre porte de sortie», analyse un spécialiste de l'armée ivoirienne sous couvert d'anonymat. Le mouvement déclenché le 12 mai avait pris le 15 mai des «proportions inquiétantes», selon la même source.
Pour autant, «ce n'est pas un coup d'Etat», selon un porte-parole des mutins sous couvert d'anonymat à Bouaké, épicentre de la mutinerie. «Quand il [le président Alassane Ouattara] paiera, on rentrera chez nous», a-t-il assuré.
Ces mutins sont d'anciens rebelles ayant soutenu Alassane Ouattara pendant la crise électorale de 2010-2011 et qui ont ensuite été intégrés dans les rangs de l'armée.
La situation était aussi tendue à Korhogo, principale ville du nord du pays. Dans cette région, policiers, gendarmes et douaniers ont déserté différents postes frontaliers, et le trafic routier avec le Mali, le Burkina et vers le Niger s'est retrouvé paralysé.
Tirs à Abidjan
A San Pedro, deuxième port du pays, stratégique pour l'exportation de cacao dont le pays est le premier producteur mondial, des tirs «assourdissants retentissaient dans la zone portuaire», selon des témoins. A Man (ouest), Bondoukou (est) et Daloa (centre), des tirs sporadiques ont été entendus.
Alors qu'Abidjan avait été calme ce week-end, de nombreux tirs y ont retenti dans la matinée du 15 mai matin en provenance des deux camps d'Akouedo, qui forment la plus grande caserne du pays. Plusieurs axes importants de la ville ont été barrés.
Des tirs étaient également audibles en provenance du camp Gallieni, au Plateau, l'un des points chauds de la journée du 12 mai.
Le Plateau, quartier administratif et des affaires d'Abidjan, était totalement désert. Les grands magasins, les banques et tous les bureaux étaient fermés. Un important cordon sécuritaire a été déployé autour du palais présidentiel, alors que les locaux de la radio nationale étaient puissamment gardés.
Le lycée français Blaise Pascal ainsi que l’école Jacques Prévert ont été fermés, le consulat de France recommandant d’éviter tout déplacement.