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Accusations de répression des homosexuels en Tchétchénie : une indignation sélective de l'Occident ?

Des allégations de meurtres d'homosexuels en Tchétchénie ont déclenché une levée de bouclier au sein des chancelleries occidentales. Des préoccupations qui ne semblent pas s'étendre aux monarchies sunnites alliées, ni à de nombreux autres Etats.

De nombreux médias et ONG occidentaux ont récemment relayé les accusations du journal russe d'opposition Novaïa Gazeta, selon lesquelles une vaste opération de répression des homosexuels aurait été lancée par les autorités tchétchènes à la fin du mois de mars. Les assertions du média russe ont été traduites, en français, par Courrier international.

Selon Novaïa Gazeta, plus d’une centaine de personnes auraient été arrêtées, torturées, détenues dans des «prisons secrètes» de la république caucasienne, partie intégrante de la Fédération de Russie. «Trois [personnes] seraient mortes, mais, selon des témoins, il y en aurait beaucoup plus», a assuré le journal russe, sans préciser l'identité des victimes. 

Les autorités tchétchènes ont nié en bloc ces accusations, les qualifiant de mensongères. «Vous ne pouvez pas arrêter ou réprimer des gens qui n’existent pas dans la république [de Tchétchénie]. L’homosexualité n’existe pas ici», a déclaré à l'agence russe Interfax un porte-parole du président tchétchène, à la tête d'une république peuplée majoritairement de musulmans pratiquants.

Le porte-parole du président russe Dmitri Peskov a pour sa part annoncé que les autorités fédérales russes avaient été mises au courant de cette affaire et que les organes judiciaires vérifieraient les informations sur les attaques présumées contre les homosexuels en Tchétchénie.

Après les médias et les ONG, certains Etats occidentaux expriment leur inquiétude

Réagissant très rapidement aux allégations de Novaïa Gazeta, des organisations non gouvernementales ont réclamé des explications aux autorités russes. Amnesty International a notamment demandé une «action urgente» dans un communiqué et lancé une pétition en ligne. Toutefois, le porte-parole d'Amnesty International à Moscou, contacté par le journal français L'Obs, a reconnu que son ONG n’avait pas pu vérifier l’information de Novaïa Gazeta.

Malgré l'absence actuelle de preuves, plusieurs gouvernements occidentaux n'ont pas hésité à hausser le ton à l'égard des autorités russes et tchétchènes. Ainsi, le département d'Etat américain a exhorté le gouvernement russe à mener une enquête indépendante et crédible sur les présumés meurtres et autres arrestations en série.

De son côté, le ministère français des Affaires étrangères a exprimé sa «préoccupation», appelant «la Fédération de Russie à condamner les réactions des autorités tchétchènes». Le président du Parlement européen, Antonio Tajani, a également communiqué sur le sujet, en affirmant que «les auteurs de ces actes [devaient] être poursuivis».

Une indignation à géométrie variable ?

Si certaines chancelleries occidentales se montrent promptes à pointer du doigt les opérations supposées de répression de l'homosexualité en Tchétchénie, de nombreux Etats appliquent très officiellement, de nos jours, des mesures anti-homosexuels – sans que cela ne suscite systématiquement de campagne internationale d'indignation.

L'Arabie saoudite (allié traditionnel de Washington avec qui la France entretient d'étroites relations), par exemple, condamne l'homosexualité à la peine de mort dans sa loi fédérale. Les personnes reconnues «coupables» d'homosexualité dans le royaume wahhabite s'exposent, ainsi, à la décapitation. Les Emirats arabes unis, l'Afghanistan ou encore la Mauritanie prévoient également la peine capitale pour ce motif. De même, dans 12 Etats septentrionaux du Nigeria ayant adopté la charia, la condamnation à mort est prévue pour les homosexuels.

Outre ces cas radicaux, de nombreux Etats – dont certains sont peu habitués à subir l'opprobre des médias et des capitales occidentales – condamnent légalement l'homosexualité. Celle-ci est considérée par le droit marocain comme un crime passible de trois ans de prison. En Inde, l'homosexualité a été dépénalisée en 2009... avant d'être repénalisée fin 2013. En 2016, néanmoins, la Cour suprême du pays a accepté d'examiner une requête de contestation de cette décision.

Globalement, d'après l'Association internationale des lesbiennes, gay, bisexuel, transsexuels et intersexués, 75 pays interdisaient l'homosexualité en 2016. Dans l'indifférence générale de Washington et ses alliés.

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