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Accusé de racisme par certains pays du sud de l'Europe, le chef de l'Eurogroupe s'excuse à demi-mots

Mis en cause par les pays du sud de l'Europe après avoir laissé entendre qu'ils dilapidaient leur argent en «schnaps» et en «femmes», le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, a exprimé des regrets, mais écarté toute démission.

Après avoir dans un premier temps refusé de s'excuser pour des propos polémiques, Jeroen Dijsselbloem, ministre travailliste néerlandais et chef de l'Eurogroupe, une institution regroupant les ministres des Finances des 19 pays de la zone euro, a finalement déclaré le 22 mars : «Si certains ont été offensés par la remarque, je le regrette.»

Invoquant sa «franchise néerlandaise» et son «style direct», Jeroen Dijsselbloem a également indiqué qu'il ne comptait pas démissionner de sa fonction au sein de l'Eurogroupe.

En faisant part de ses «regrets», Jeroen Dijsselbloem a tenté d'éteindre l'incendie qu'il avait lui même allumé en tenant des propos polémiques sur la solidarité des «pays du nord de la zone euro» avec les «pays en crise». Ainsi, le patron de l'Eurogroupe avait déclaré le 20 mars au quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung : «Celui qui réclame [la solidarité] a aussi des devoirs. Je ne peux pas dépenser tout mon argent pour le schnaps [eau de vie] et les femmes et ensuite réclamer du soutien».

Ces déclarations avaient entraîné de virulentes réactions de la part du président du Parlement européen et des pays du sud de l'Europe, comme la Grèce, l'Espagne, l'Italie ou le Portugal, les plus touchés par la crise financière de 2009.

Le président du Parlement européen, Antonio Tajani, avait ainsi jugé dans une interview accordée le 22 mars à l'agence de presse AFP qu'il trouvait «inacceptables» les «phrases racistes et sexistes» du président de l'Eurogroupe.

«Dans une Europe sérieuse, Jeroen Dijsselbloem serait déjà viré», avait également lancé le Premier ministre socialiste du Portugal, Antonio Costa. Ne mâchant pas ses mots, ce dernier avait par ailleurs indiqué : «Il est inacceptable qu'une personne qui a un tel comportement et qui a une vision raciste, xénophobe et sexiste d'une partie des pays européens puisse présider une organisation comme l'Eurogroupe.»

En Italie, Matteo Renzi, ancien chef du gouvernement de centre-gauche, avait dénoncé des «réflexions stupides», ajoutant : «Le plus tôt il démissionnera, le mieux ce sera.» En Espagne, Luis de Guindos, ministre conservateur de l'Economie, qui fait partie des candidats pressentis pour lui succéder à la présidence de l'Eurogroupe, avait regretté «un commentaire malheureux, sur la forme comme sur le fond».

Jean-Claude Juncker et Wolfang Schaüble volent au secours de Jeroen Dijssselbloem

Si le patron de l'Eurogroupe est sous le feu des critiques, il a néanmoins reçu le soutien d'hommes politiques de poids. 

«Ce que Jeroen Dijssselbloem a semblé avoir dit, le connaissant, ne reflète pas sa pensée profonde», a ainsi assuré le 22 mars le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. 

Un peu plus tôt dans la journée, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, avait rappelé, par l'intermédiaire d'un porte-parole, qu'il estimait beaucoup le travail de son homologue néerlandais. «Nous partons du principe» que Jeroen Dijsselbloem continuera à présider «les prochaines réunions» de l'Eurogroupe «tant que le gouvernement» néerlandais est en place, avait-il ajouté.

Si Jeroen Dijsselbloem s'apprête à perdre son poste au gouvernement après la débâcle du parti travailliste aux élections législatives néerlandaises, il espère toutefois garder la tête de l'Eurogroupe au moins jusqu'à la fin de son mandat le 1er janvier 2018.

«Décider de ce qui se passera [...] revient à l'Eurogroupe», avait-il plaidé le 20 mars lors d'une réunion à Bruxelles avec les autres ministres des Finances, juste avant la polémique. Malgré ses récentes excuses, ses propos parus dans la presse allemande pourraient néanmoins jouer en sa défaveur.

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