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Les meetings turcs en Europe donneront-ils le coup de grâce à l'accord UE-Turquie sur les migrants ?

Opposés à la tenue de meetings politiques turcs sur leur sol, les ministres de l'Intérieur et des Finances allemands ont déploré l'attitude d'Erdogan. Et menacé en filigrane de fermer le robinet de l'aide économique à Ankara.

Dans une interview accordée le 12 mars à la chaîne publique ARD, le ministre allemand de l'Intérieur, Thomas de Maizière, est revenu sur la crise diplomatique qui pollue les relations entre Ankara et certaines capitales européennes. «Personnellement, je ne suis pas partisan de ces apparitions [de ministres turcs dans des meetings en Allemagne]. Je ne les souhaite pas. Une campagne [électorale] turque n'a rien à faire ici, en Allemagne», a-t-il déclaré.  

Depuis le début du mois de mars, les relations diplomatiques entre Ankara et plusieurs pays européens se sont considérablement dégradées après l'annulation de plusieurs réunions publiques et meetings organisés par Ankara sur le sol européen et à destination de la diaspora turque. L'interdiction de ces rassemblements en Allemagne avait fait réagir le président turc, qui n'avait pas hésité à comparer les décisions des autorités à des pratiques «pas différentes de celles des nazis».

En pleine campagne électorale en faveur de la réforme constitutionnelle soumise à référendum le 16 avril prochain, le gouvernement du président Recep Tayyip Erdogan accorde en effet une importance particulière au vote des millions de Turcs établis en Europe. C'est dans cette perspective qu'il a tenté de multiplier les interventions dans les pays européens. 

L'accord avec la Turquie sur les réfugiés bientôt caduc ?

De son côté, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a déclaré le 12 mars à la radio ZDF que la situation actuelle rendait difficile le dialogue avec Ankara. Le ministre a également évoqué le sort du journaliste germano-turc du quotidien allemand Die Welt, Deniz Yücel, incarcéré pour propagande «terroriste» en Turquie.

«Dans ces circonstances, il est évidemment très compliqué de continuer à travailler sur [l'aide économique accordée par l'Union européenne à la Turquie]», a-t-il précisé, estimant que «les responsables turcs [avaient] anéanti les fondements nécessaires à tout progrès en matière de coopération»

Dans le cadre d'un accord signé entre Ankara et l'UE – et qui a permis de freiner le flux migratoire vers l'Europe – la Turquie reçoit un financement européen qui devrait atteindre la bagatelle de 6 milliards d'euros d'ici 2018. Selon les termes de cet accord, la Turquie s'est engagée à accepter le retour sur son sol de tous les migrants entrés illégalement en Grèce depuis son territoire. En contrepartie de cet effort, pour chaque réfugié syrien renvoyé en Turquie, un autre doit néanmoins être «réinstallé» dans un pays européen, dans la limite de 72 000 places.

De plus, si Bruxelles devait verser jusqu'à six milliards d'euros à Ankara, elle s'était également engagée à relancer les discussions sur l'intégration de la Turquie à l'UE et accélérer le processus de libéralisation du régime de visas pour les Turcs qui souhaitent s'y rendre.

Jusqu'à présent, les discussions concernant les visas et l'adhésion à l'UE sont toutefois au point mort, notamment à cause du refus exprimé par Ankara de lever sa législation antiterroriste. Par ailleurs, les dirigeant turcs agitent régulièrement la menace d'annuler l'accord sur les réfugiés.

En janvier par exemple, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, avait déjà laissé entendre que l'accord sur les réfugiés pourrait être abandonné si des militaires turcs exilés en Grèce à cause de leur rôle supposé dans la tentative de coup d'Etat n'étaient pas extradés. Récemment, le président turc lui-même a menacé d'annuler l'accord sur les migrants signé entre la Turquie et l'Union européenne. 

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