En Suède, un rapport publié début mars par l'Agence de la protection civile (MSB) à propos des Frères musulmans et de leur implantation dans la société suscite la controverse depuis plusieurs jours.
Le texte attire l'attention du gouvernement suédois sur le développement d'une forme de «société parallèle» dans le pays, encouragé par les Frères musulmans. L'organisation tenterait de développer la pratique d'un islam rigoriste dans le pays, qui serait «de nature à menacer la cohésion de la communauté nationale».
Le rapport souligne que les Frères musulmans s'appuieraient, entre autres moyens, sur «l'arrivée dans les années à venir, en provenance d'Afrique et du Proche-Orient, de réfugiés et de membres de la famille de migrants déjà installés» dans le pays. L'organisation trouverait, chez ces nouveaux arrivants pas encore acclimatés à la société suédoise, un terreau fertile pour diffuser ses idées.
Le rapport des élites politiques avec les Frères musulmans mis en cause
L'un des points les plus clivant du rapport se trouve dans la conclusion du rapport. Le phénomène qu'il dénonce ne concernerait pas uniquement la société civile mais également les élites suédoises compte tenu d'une forme d'entrisme au sein des partis politiques, des universités ou encore des ONG. Pour la MSB, tout cela aboutit à la «mise en place d'un systèmes de valeurs au sein de la classe politique qui relaie une certaine conception des minorités auprès des citoyens».
L'allégation revêt un caractère d'autant plus polémique que le rapport va jusqu'à évoquer un «facteur porteur de guerre» à propos de la diffusion des idées portées par les Frères musulmans au sein des élites politiques et culturelles. La MSB estime que cette problématique constitue un «défi à long terme» pour le pays.
En Suède, si l'organisation islamique est autorisée par les autorités, sa nature fait débat dans de nombreux autres pays, comme en Allemagne. Fondée en 1928 en Egypte, elle est régulièrement accusée de promouvoir une forme d'islam politique apparentée à de l'islamisme. Les Frères musulmans sont par exemple considérés comme une organisation terroriste par l'Egypte, l'Arabie Saoudie, la Russie ou encore les Emirats arabes unis.
Un rapport qui fait polémique
Une tribune, signée par 22 chercheurs en études religieuses et publiée dans la foulée, a initié la controverse quant aux conclusions du rapport de l'agence gouvernementale. Dénonçant une étude «qui flirte presque avec le complotisme», les universitaires suédois accusent ses auteurs de ne pas prendre en compte les recherches effectuées précédemment sur le sujet. «La principale faille de ce rapport réside dans l'absence totale de prise en compte des études déjà publiées par les universités suédoises», souligne ainsi Jan Hjärpe, professeur d'études islamiques à l'université de Lund, dans un entretien avec The Local.
Plus accablante encore serait, selon les signataires de cette tribune, l'absence de sources et de références caractérisant le rapport de la MSB. Ce dernier se contenterait de relayer des «opinions personnelles» au lieu de fournir des preuves, assurent ses détracteurs. «Il est d'ailleurs surprenant que ce rapport ait été rédigé sans qu'aucune de nos expertises n'ait été sollicitée», s'agace Jan Hjärpe, qui dénonce «l'ignorance des autorités».
La MSB, réagissant à ces critiques, précise que le rapport est une simple «note d'intention» et non une étude de nature universitaire. Dans un communiqué de presse, l'une des responsables du MSB, Anneli Bergholm Söder, précise que ce rapport est destiné à «identifier les domaines susceptibles de faire l'objet de recherches futures» et qu'il n'a donc pas prétention à établir des faits, mais simplement à dégager des tendances pour attirer l'attention des chercheurs. Elle souligne par ailleurs la nécessité de «travailler avec plusieurs sources de connaissances».
La question de l'islam et de l'immigration agite le débat public en Suède depuis plusieurs années. Si elle pousse certains à promouvoir des initiatives visant à faciliter l'intégration des migrants, d'autres s'en inquiètent et assurent qu'elle est la cause de nombreuses violences dans le pays.