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Breivik traité de manière inhumaine ? Nouveau round devant la justice norvégienne

Après une première décision qui avait consterné les proches des victimes, la justice examine à compter de mardi l'appel de l'Etat norvégien après sa condamnation pour «traitement inhumain» du tueur néo-nazi Anders Behring Breivik.

Dans une procédure civile délocalisée pour des raisons de sécurité dans la prison de Skien (sud) où Breivik est détenu, une cour d'appel d'Oslo devra déterminer si les conditions carcérales de celui qui avait massacré 77 personnes en 2011 violent la Convention européenne des droits de l'Homme.

«Nous espérons que l'Etat gagne ce nouveau round, que la justice creuse davantage l'affaire», a déclaré à l'AFP la présidente du groupe de soutien aux familles des victimes, Lisbeth Kristine Røyneland, qui a perdu une fille de 18 ans sous les balles du tueur.

Un premier jugement avait fait des vagues en avril en concluant que Breivik était soumis à un traitement «inhumain» et «dégradant», contraire à l'article 3 de la Convention.

En prison, l'extrémiste de droite de 37 ans dispose de trois cellules, environ 30 mètres carrés au total, de deux téléviseurs avec consoles de jeu et lecteur de DVD, d'un réfrigérateur, d'un ordinateur (sans accès à internet), d'appareils de musculation, de livres et de journaux.

Malgré ces confortables conditions matérielles, la juge en première instance avait tranché que les considérations sécuritaires prenaient excessivement le pas sur les droits de l'Homme. En cause : l'isolement prolongé du condamné, détenu à l'écart des autres «dans une prison à l'intérieur de la prison», sans activités compensatoires suffisantes.

Le jugement pointait aussi les nombreuses fouilles corporelles potentiellement «humiliantes», le recours systématique aux menottes et autres réveils réguliers de nuit, surtout dans les premiers temps.

Le 22 juillet 2011, Breivik avait d'abord tué huit personnes en faisant exploser une bombe près du siège du gouvernement à Oslo. Puis, déguisé en policier, il avait fauché 69 autres vies, d'adolescents pour la plupart, en ouvrant le feu sur les participants d'un camp d'été de la Jeunesse travailliste piégés sur l'île d'Utøya dans les eaux glaciales d'un lac.

Ce sont les pires attaques perpétrées sur le sol norvégien depuis la Seconde Guerre mondiale.

L'extrémiste qui reprochait à ses victimes de faire le lit du multiculturalisme a été condamné en août 2012 à 21 ans de prison, une peine susceptible d'être prolongée.

Breivik jugé mentalement vulnérable

Si certains survivants avaient salué une victoire de l'humanisme face à un tueur inhumain, la condamnation de l'Etat en avril avait affligé des parents de victimes au terme d'un procès où Breivik avait multiplié les provocations, faisant le salut nazi et se plaignant du café froid et des plats cuisinés. 

La presse nationale y avait vu «un jugement erroné» et «difficile à digérer».

L'Etat a fait appel. Le Procureur général chargé de le représenter, Fredrik Sejersted, estime qu'«il n'y a pas de preuve que Breivik souffre de troubles physiques ou mentaux dus à ses conditions de détention».

Les autorités contestent qu'il soit maintenu à l'isolement, faisant valoir ses contacts réguliers avec les surveillants et autres acteurs sociaux. Elles justifient son maintien à l'écart des autres détenus par des considérations de sécurité pour lui-même et pour autrui.

L'avocat de l'extrémiste, Øystein Storrvik, affirme, lui, que «l'Etat n'a pas mis en place de mesures concrètes pour remédier à la vulnérabilité mentale de Breivik et aux dommages dus à l'isolement prolongé».

Quelques allègements ont été réalisés, notamment le remplacement d'une paroi de verre par une grille lors des visites de l'avocat et une multiplication des contacts entre le prisonnier et ses surveillants. Mais Øystein Storrvik juge ces mesures encore insuffisantes et réclame pour son client la possibilité de côtoyer les autres détenus.

La Cour d'appel devra aussi se prononcer sur un autre point, soulevé par Breivik celui-là. 

Lire aussi : Anders Breivik, l'assassin de 77 personnes accepté à l'Université d'Oslo

En avril, la juge avait donné raison à l'Etat qui filtre étroitement la correspondance du détenu afin de l'empêcher de former un réseau capable de perpétrer de nouvelles attaques. Lui estime que cela viole l'article 8 de la Convention des droits de l'Homme garantissant le droit à une vie privée.

La procédure durera six jours, la décision devant être rendue à une date encore inconnue.