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Dix ans de l'exécution de Saddam Hussein : un symbole de l'échec de la politique du «regime change»

Le 30 décembre 2006, le président irakien Saddam Hussein était exécuté par pendaison. Quelles furent les conséquences pour l'Irak et la région ? Malgré l'échec de cette politique, les leçons n'ont pas été tirées par les politiques et journalistes.

L'Irak est devenu un enfer

Ces mots furent parmi les derniers prononcés par le président irakien déchu le 30 décembre 2006, juste avant que la trappe de l'échafaud ne soit actionnée. Les images de son exécution par pendaison, filmées au téléphone portable, ont été visionnées par des millions de personnes à travers le monde. On y voit un Saddam Hussein digne, refusant qu'on lui mette une cagoule sur la tête et affrontant les insultes de la foule qui lui intime d'aller «au diable». 

«Je n'ai vu aucun signe de peur», confiera sept ans plus tard l'ex-conseiller Mouaffak al-Rubaïe, emprisonné à trois reprises sous Saddam Hussein et qui a conservé la corde du supplice après avoir assisté à l'exécution. «Il disait "Mort à l'Amérique ! Mort à Israël ! Longue vie à la Palestine ! Mort aux mages perses"», en montant sur l'échafaud, a affirmé le témoin de la scène.

Cette exécution, programmée le jour de l'Aïd pour les sunnites (une provocation de la part des autorités chiites), faisait suite à plusieurs mois de procès sous l'égide des forces d'occupation américaines, où il a été reconnu coupable de crimes contre l'humanité. 

Le prétexte des prétendues armes de destructions massives 

Pour comprendre la chute de Saddam Hussein, qui a dirigé l'Irak de 1979 à 2003, et la situation actuelle en Irak, il faut revenir sur la «guerre préventive» menée par les Etats-Unis en 2003, malgré l'opposition de trois membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU. 

Deux ans après les attentats du 11 septembre 2001, l'administration du président George Walter Bush se persuade que l'Irak est mêlée à l'attaque, et que Saddam Hussein serait en possession d'armes de destruction massive prêtes à être utilisées sur le monde libre.

Devant le scepticisme de la communauté internationale, à l'exception du Royaume-Uni dirigé par Tony Blair, qui a alimenté les allégations américaines, les Etats-Unis sont même allés jusqu'à montrer à l'ONU une fiole dont l'ambassadeur américain Colin Powell prétendait qu'elle contenait de l'anthrax. D'autres preuves tout aussi douteuses, telles que des photos satellites censées montrer des usines d'armes chimiques irakiennes ont été montrées, sans obtenir l'effet escompté. 

C'est donc sans l'aval de l'ONU, au sein duquel la France, la Russie et la Chine ont menacé de faire usage de leur droit de veto en cas de vote d'une résolution pour justifier cette guerre, que les Etats-Unis et leurs alliés britanniques et australiens vont se lancer dans une guerre qui déstabilisera l'Irak pour de longues années. 

Lancée à partir du 20 mars 2003, la puissance de feu de la coalition écrasera rapidement l'armée irakienne. Ce n'est néanmoins qu'en décembre de la même année que Saddam Hussein sera retrouvé, caché «dans un trou à rat» à seulement quelques kilomètres de sa ville natale de Tikrit. 

De la «libération» de l'Irak au développement de Daesh 

S'ouvre alors une longue période d'occupation de l'Irak par l'armée américaine et ses alliés, ponctuée par une guerre de guérilla et des attentats sanglants entre communautés religieuses chiites et sunnites. Il est difficile de faire une estimation précise du nombre de civils tués à la suite de l'invasion américano-britannique, mais certaines études annoncent le chiffre d'un million de tués. L'estimation la plus basse est de 200 000 civils morts de façon violente.

Mettant fin à leur mission de «libération», les troupes américaines ont quitté l'Irak le 14 décembre 2011. Le président Obama a alors affirmé que les Etats-Unis laissaient derrière eux un pays «souverain, stable et indépendant». 

Or, le régime laïc de Saddam Hussein, tenant d'une main de fer la société irakienne, a laissé place à un pays dominé par les chiites placés par les Américains à la tête du pays et fragmenté par les tensions religieuses.  

Surfant sur le chaos irakien, et la détresse de la communauté sunnite d'Irak, Abu Bakr al-Baghdadi – vétéran de la guerre d'Irak et membre d'Al-Qaïda en Irak – prend la tête du groupe Etat islamique et obtient rapidement de foudroyants succès militaires. La prise de Mossoul aux 30 000 soldats irakiens, qui ont fuit sans même combattre, ont permis aux djihadistes de Daesh de saisir d'importants stocks d'armes et d'équipements américains, en juin 2014, qui permettront le renforcement des capacités militaires du groupe. 

Les Etats-Unis, contraints d'admettre que la situation devient hors de contrôle, envoient alors 5 000 militaires afin de «conseiller et assister» l'armée irakienne dans sa lutte contre Daesh.

 Tony Blair et George Bush, loin d'être rongés par les remords 

«Vous allez échouer. Vous allez découvrir qu'il n'est pas aisé de gouverner l'Irak. Vous allez échouer parce que vous ne connaissez pas notre langue, vous ignorez notre histoire et vous ne comprenez pas l'esprit arabe», voilà les mots de Saddam Hussein rapportés par John Nixon dans son ouvrage Debriefing The President : The Interrogation Of Saddam Hussein, un ancien agent de la CIA ayant participé à son interrogatoire après son arrestation. 

Admettant que «toutes les informations» concernant les armes de destruction massive irakiennes étaient fausses, et constatant le chaos ayant gagné le pays 13 ans après l'invasion anglo-américaine, John Nixon écrit : «seul un homme de poigne tel que lui pouvait tenir un Etat multiethnique comme l'Irak».

Néanmoins, cette auto-critique est loin d'être partagée par tous les acteurs de cette guerre, à commencer par Tony Blair, pourtant épinglé par le rapport Chilcot pour avoir poussé le Royaume-Uni dans un conflit ayant coûté la vie à 179 soldats britanniques. «Nous avons pris la bonne décision. Le monde est meilleur et plus sûr sans Saddam Hussein», a-t-il déclaré juste après la parution du rapport. 

Même son de cloche chez l'instigateur du conflit, George Walter Bush. Interrogé en 2013 concernant de possibles regrets, celui-ci a répondu : «Je suis à l’aise avec ce que j’ai fait

Des médias toujours aussi friands de la politique du «regime change» 

On aurait pu penser que les médias de masse, après le fiasco de la guerre d'Irak et les campagnes de dénigrement menées contre les militants pacifistes accusés d'être des soutiens du «dictateur irakien», aient tiré les leçons de ce tragique événement. Mais l'exemple de la Libye et de la Syrie nous ont démontré que les journalistes sont toujours aussi enclins à relayer des informations afin de renverser des gouvernements étrangers dans le sang. 

En 2011, Mouammar Kadhafi fait face à une insurrection islamiste en Libye et répond brutalement aux insurgés. En France, Bernard-Henri Lévy se fait le fer de lance de la promotion de l'intervention française, mettant en garde notamment contre un prétendu projet de massacre des assiégés de Misrata, version qui hâtera l'adoption dans l'opinion de la nécessité d'une zone d'exclusion aérienne, accordée par l'ONU... Qui se transformera en carte blanche pour les bombardiers français afin de faire chuter le dirigeant libyen, laissant ainsi un terreau fertile pour les mouvements djihadistes pullulant aujourd'hui dans la région. La narration interventionniste a, cette fois encore, été reprise sans nuance dans les médias français. 

Le 21 août 2013, c'est la Syrie qui a bien failli être l'objet d'une intervention militaire occidentale. Accusé d'avoir organisé une attaque chimique contre son propre peuple dans la banlieue de Damas, Bachar el-Assad était victime des menaces de François Hollande de voir son pays être bombardé par les Rafale français. Exultation dans la presse, on allait enfin se débarrasser du «dictateur sanguinaire». Le nouveau Saddam, le nouveau Kadhafi... Il aura fallu que Barack Obama contraigne le président français à faire machine arrière, au plus grand regret des éditorialistes. Cela n'a néanmoins pas empêché la France et les Etats-Unis de poursuivre leurs efforts pour déstabiliser le pays en armant la rébellion prétendument «modérée», efforts néanmoins sapés par l'appui militaire russe au gouvernement syrien.

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