Une enquête du Süddeutsche Zeitung parue ce mardi 13 décembre révèle que le Bundesamt für Verfassungsschutz (BfV), l'équivalent des services secrets allemands, surveille avec préoccupation le soutien apporté par les pays du Golfe à plusieurs organisations salafistes en Allemagne. «Des organisations religieuses d'Arabie saoudite, du Koweït et du Qatar sont soupçonnées, avec l'aide de leurs gouvernements, de soutenir des salafistes allemands», avance le journal.
Dans un rapport conjointement établi avec le Bundesnachrichtendienst (BND), équivalent de la DGSE française, le BfV évoque les «stratégies d'influence établies sur le long terme» par ces pays, notamment grâce à «des missions telles que la construction de mosquées, de complexes scolaires ou la diffusion de prêches». Sont notamment citées des organisations comme la Fondation de charité Shaykh Eid, établie au Qatar, la Ligue islamiste mondiale (LIM), d'origine saoudienne, ou encore la Revival of islamic heritage society (RIHS), implantée au Koweït.
Cette dernière est citée en exemple. Figurant depuis 2008 sur la liste noire des associations interdites aux Etats-Unis pour «financement de groupes terroristes», elle a récemment tenté d'installer un centre salafiste dans le Bade-Wurtemberg, un Land du Sud-Ouest de l'Allemagne, par le truchement d'une société immobilière. La construction de ce complexe de 3 300 mètres carrés n'a été empêchée qu'après l'intervention des autorités policières. Le plan d'investissement qui soutenait cette entreprise d'envergure se chiffrait à plusieurs millions d'euros et «faisait partie d'un plan stratégique de prosélytisme destiné au Sud de l'Allemagne» selon le BfV.
Si les organisations concernées rejettent les accusations portées à leur encontre, le rapport des services secrets est formel : «Il n'existe pas de différence substantielle permettant de distinguer les activités missionnaires et le djihadisme salafiste.» Pour l'Arabie saoudite, «les activités prosélytes dans le monde sont une raison d'Etat et s'inscrivent dans le cadre de la politique étrangère», note également le rapport, qui concède toutefois ne pas disposer de preuves permettant de lier ces organisations à «des actions violentes».
Admettant la difficulté inhérente au suivi de ce genre d'organisations, le BfV et le BND avancent tout de même le chiffre de 10 000 personnes activement impliquées en Allemagne dans le salafisme, sa pratique et sa diffusion. Le risque de radicalisation des migrants est également évoqué comme «préoccupant».
Ces derniers mois, la question de l'islam radical a gagné le débat public allemand après que la police fédérale a procédé à plusieurs coups de filet contre des djihadistes présumés. Un attentat à l'aéroport de Berlin avait été déjoué à l'automne 2016, provoquant l'inquiétude parmi la classe politique, alors que l'Allemagne avait jusque là été épargnée par le phénomène du terrorisme islamiste.