«Je ne serai pas candidat pour un troisième mandat de président du Parlement européen. L'année prochaine, je vais me présenter comme candidat [aux élections législatives allemandes]», a déclaré Martin Schulz lors d'un point presse à Bruxelles.
Martin Schulz, 60 ans, mènera la liste du parti social-démocrate allemand SPD en Rhénanie du Nord-Westphalie lors de ces élections, prévues à la fin de l'été 2017.
«Ce n'était pas une décision facile à prendre», a-t-il déclaré, les yeux rougis. «Je me suis efforcé de rendre plus forte et plus visible la politique européenne, mais aussi de rendre plus influent le Parlement, seule institution européenne dont les membres sont directement élus», a-t-il ajouté.
Président de l'institution depuis 2012, Martin Schulz n'a pas annoncé la date de son départ, mais l'élection du prochain président est prévue en janvier 2017.
Il est d'ores et déjà pressenti pour remplacer son collègue du SPD Frank-Walter Steinmeier, très populaire ministre des Affaires étrangères d'Angela Merkel au sein de la coalition conservateurs/sociaux-démocrates, mais qui va être élu en février président fédéral, selon Der Spiegel.
Mais depuis plusieurs mois, la rumeur fait aussi de Martin Schulz le possible candidat SPD aux législatives de 2017 à la place du chef du SPD, le mal-aimé Sigmar Gabriel, vice-chancelier et ministre de l'Economie. Le futur-ex-président du Parlement européen bénéficie de soutiens au sein du parti, notamment dans son aile gauche. Le candidat sera désigné fin janvier.
Un parcours fulgurant, au service de l'européisme
Bourgmestre de la petite ville de Würselen à seulement 31 ans en 1987, il sera élu eurodéputé en 1994, avant de devenir représentant des socialistes allemands au sein du parti socialiste européen en 2000 et de prendre la tête de ce groupe en 2004. Il deviendra président du Parlement de Strasbourg en 2012, avant d'être réélu en 2014.
Depuis que le Parlement européen est élu au suffrage universel, en 1979, Martin Schulz est le seul à l'avoir présidé pendant une aussi longue période. Tous ses prédécesseurs n'ont occupé le «perchoir» que pendant une demi-mandature, en application d'un accord entre gauche et droite qui stipule que la présidence revient alternativement à l'un puis l'autre camp, tous les deux ans et demi.
Farouche adversaire des idées nationalistes, à moins qu'elles ne concernent le nationalisme européen et son idéal d'Europe fédéralisée, Martin Schulz s'est illustré à de nombreuses reprises dans ses actions contre les leaders de partis dits «populistes», tels que le Front national français, le souverainiste UKIP britannique ou encore le Mouvement 5 étoiles italien. En 2009, il avait réussi à empêcher Jean-Marie le Pen de présider la scéance inaugurale de la nouvelle législature européenne, entraînant le courroux du Menhir, qui avait déclaré à son propos : «Il a la tête de Lénine et parle comme Hitler.»
En 2010, lors d'un discours louant la nécessité de l'action commune des Etats européens pour endiguer la crise économique et de l'euro, l'eurodéputé Godfrey Bloom, l'avait qualifié de «fasciste non démocratique». Refusant de s'excuser, l'élu UKIP avait été expulsé du Parlement. «En tant qu'eurodéputé, je lutterai contre la destruction de la démocratie en Europe. Schulz est un euronationaliste et un socialiste impénitent. Il veut une monnaie, un Etat européen. Ces euronationalistes sont des fanatiques», avait-il expliqué à la presse.
Alors qu'il faisait campagne en Italie en 2014, le président du Parlement s'en était pris à Beppe Grillo, leader du Mouvement 5 Etoiles, le comparant à Staline et qualifiant son parti de «petit vent». Ces déclarations avaient entraîné la fureur de l'homme politique italien qui lui avait répondu lors d'un meeting : «Il vient ici me traiter de Staline, mais en tant qu'Allemand, il ferait bien de le remercier ce Staline, sinon il aurait encore une croix gammée sur le front.»
Lors de discussions en 2015 au Parlement concernant le très controversé traité de libre-échange transatlantique, Martin Schulz avait été accusé d'avoir fait de l'obstruction pour le vote d'un amendement visant à faire retirer les tribunaux d'arbitrage du texte, amendement déposé par Tiziana Beghin, porte-parole du Mouvement 5 Etoiles italien.
«Le président Schulz, Lange, la commissaire Malmström, continuent imperturbablement contre la volonté des citoyens. Un bel exemple de la "démocratie" européenne», avait-elle déclaré.
Néanmoins, en mai 2016, Martin Schulz semblait quelque peu ébranlé dans les certitudes européistes qui ont permis de faire avancer sa carrière. Lors d'un entretien, celui-ci avait en effet déclaré : «Le rêve d’un seul Etat européen, d’une seule nation européenne est une illusion. Nous devons accepter de vivre dans une Europe avec différentes monnaies, avec différentes forces politiques, et la pire chose est de prétendre ne pas le savoir.»
Ces propos peuvent-ils éclairer sa décision de ne pas postuler à un nouveau mandat à la tête du Parlement ? La montée du parti anti-immigration et euro-sceptique AfD a-t-elle motivé son envie de retourner à la vie politique allemande, afin de pouvoir mieux combattre ce phénomène dans son pays d'origine ?
Selon l'un des scénarios envisagés par les médias allemands, Martin Schulz pourrait être désigné à la tête de la diplomatie allemande en février, concourir pour la chancellerie, puis reprendre le portefeuille des Affaires étrangères dans l'hypothèse d'une nouvelle grande coalition.
Lire aussi : L'eurodéputé FN Nicolas Bay sanctionné financièrement par Martin Schulz