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Qui est Martin Schulz ? L’homme le plus pro-européen du Vieux Continent

En cette période où le sentiment anti-européen grimpe en flèche, les défenseurs de l'Union européenne sont dans les cordes. Sonné mais combatif, Martin Schulz est l’un des plus téméraires. RT France vous raconte le président du Parlement européen.

«Il est temps de se battre pour l’Europe». Le 9 mai, au moment d’ouvrir la séance plénière du Parlement européen à Strasbourg, Martin Schulz a le ton grave. Avec les récents scores de la droite souverainiste en Autriche, le référendum sur le Brexit en juin, les sondages de Marine Le Pen, les motifs d’inquiétude sont grands. Même dans son propre pays, l’Allemagne, l’AfD fait des remous. S’il ne fait pas encore trembler l’establishment berlinois, le parti souverainiste a enregistré une percée lors des dernières élections locales.

Pour un homme comme Martin Schulz, c’est tout un monde qui s’écroule. Depuis ses 19 ans, il est membre du SPD, les socialistes allemands. Pendant qu’il s’occupe de sa librairie dans la banlieue d’Aix-la-Chapelle, il grimpe les échelons politiques. L’ambitieux francophile devient le plus jeune bourgmestre de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. A 31 ans, il règne sur la petite ville de Würselen.

Une trajectoire fulgurante

Mais ce qui intéresse Martin Schulz, c’est le Vieux Continent. Sa passion pour le projet de Robert Schuman et de Jean Monnet le pousse à convoiter une place de député européen. En 1994, il décroche son siège. Il ne le quittera que pour finir au perchoir. Dès 2000, il devient le leader des députés du SPD au Parlement européen. Un poste de vice-président du groupe socialiste plus tard et, en 2004, il prend la tête du groupe. Le deuxième en importance.

Sous son leadership, les députés du SPD côtoient les socialistes français ou les travaillistes anglais. La rampe de lancement fait son office. En 2012, il est élu à la tête du Parlement européen. Candidat pour prendre la tête de la Commission européenne en 2014, il doit s’effacer devant Jean-Claude Juncker après la victoire des partis de droite européens lors des européennes. Une déception de courte durée puisque, dans la foulée, il est réélu à la tête du législatif européen à Strasbourg.

Un homme qui ne craint pas le conflit

Martin Schulz est de tous les combats pro-européens. S’il a bonne réputation chez ses alliés, ses ennemis politiques le détestent. Il faut dire que l’homme ne recule pas devant l’affrontement.

En 2003, il accède soudain à la notoriété grâce une passe d’armes avec Silvio Berlusconi. Alors que l’Italie assure la présidence tournante de l’Europe, il Cavaliere se rend au Parlement européen. Martin Schulz critique sèchement le président du Conseil italien et parle même de «virus des conflits d’intérêts». Une attaque qui lui vaut une saillie bien berlusconienne : «Monsieur Schulz, je sais qu'en Italie il y a un producteur qui est en train de monter un film sur les camps de concentration nazis. Je vous verrais bien dans le rôle du Kapo. Vous seriez parfait !»

Martin Schulz n’aime pas non plus le Front national (FN). Très offensif contre ce parti, il s’inquiétait déjà de l’arrivée de Le Pen père au Parlement. De quoi faire dire au «menhir» que «Martin Schulz a la tête de Lénine et parle comme Hitler».

Appelé à la rescousse par un PS moribond lors de la campagne des européennes de 2014, Martin Schulz s’est écharpé par déclarations interposées avec Marine Le Pen. En cause ? Le refus de cette dernière de débattre avec lui sur le service public, lui préférant «un interlocuteur français».

Récemment, le rapport de force a franchi un nouveau cap. Début mars, le président du Parlement européen a saisi l’Office européen de lutte antifraude de l’Union pour une affaire de salaires versés à des assistants parlementaires européens du FN. Sommes qu’ils ne sont pas censés toucher. «M. Schulz est un militant politique. Lors des européennes, il avait fait un certain nombre de meetings contre le Front national», a souligné Marion Maréchal-Le Pen. Le parti lui a d’ailleurs retourné l’accusation. Celui qui est qualifié par le FN de «socialiste, haineux et pathétique» enfreindrait les règles du Parlement encadrant l’emploi des assistants accrédités.

Anti-démocratique et pro-business ? 

Car Martin Schultz, le champion des socialistes européens, a une face plus sombre. Ses détracteurs l’accusent tantôt de ne pas être démocrate, parfois de servir les intérêts des néolibéraux.

L’année dernière, Tiziana Beghin, porte-parole du Mouvement 5 étoiles, parti souverainiste italien, a accusé Martin Schulz de défendre les multinationales. Dans le cadre des négociations sur le traité transatlantique (TTIP), le président du Parlement européen aurait tout fait pour faire capoter un vote concernant les fameux tribunaux d’arbitrage, que le parti de Tiziana Beghin souhaitait interdire. «Ils ont clairement été refusés lors d'une consultation sur internet par 97% des votants [...] et pourtant, encore une fois, l'establishement a décidé de ne pas en tenir compte. Le président Schulz, Lange, la commissaire Malmström, continuent imperturbablement contre la volonté des citoyens. Un bel exemple de la “démocratie européenne”», a-t-elle déploré.

Dans la même veine, très récemment, Martin Schulz s’exprimait sur le plateau de LCI. Revenant sur le «non» néerlandais lors du référendum sur l’accord d’association entre l'UE et l'Ukraine ainsi que sur le Brexit, le pro-européen s’est livré à une analyse… surprenante : «Tout est possible en politique. Et les sondages ne sont jamais les résultats. Mais, aux Pays-Bas, nous avons vu que les gens votent sur n’importe quoi, mais très rarement sur le sujet du référendum. Je crois que la large majorité de ces gens qui ont voté aux Pays-Bas ne savaient même pas qu’il s’agissait de l’Ukraine. Ils voulaient voter contre Bruxelles, contre l’Europe, contre le Premier ministre.»

Cette explication pouvant paraître condescendante a été reprise comme un exemple de la morgue des élites européennes par plusieurs observateurs tel que François Asselineau de l’Union populaire républicaine (UPR).

Un air de résignation

Ces derniers temps, il semble pourtant que Martin Schulz commence à se faire une raison. La montée des partis souverainistes sur la quasi-totalité du continent, les sondages qui montrent une défiance de plus en plus marquée des citoyens à l'égard de Bruxelles semblent avoir entamé son enthousiasme.

Début mai, lors d’un débat sur l’avenir de l’Europe organisé à Rome, l’européiste a lâché plusieurs bombes. En présence de Jean-Claude Juncker, du président du Conseil européen Donald Tusk et du chef du gouvernement italien Matteo Renzi, il a déclaré que «l’Europe est une promesse, mais une promesse qui n’a pas été tenue».

Pour lui, le projet d’une Europe fédérale est d’ores et déjà enterré : «Le rêve d’un seul Etat européen, d’une seule nation européenne est une illusion. Nous devons accepter de vivre dans une Europe avec différentes monnaies, avec différentes forces politiques, et la pire chose est de prétendre ne pas le savoir.» Pire, les sacrifices réalisés par certaines nations sur l’autel de l’austérité serviraient à «sauver des banques».

Des déclarations incroyables dans la bouche de Martin Schulz. Il se murmure qu’il pourrait, contre toute attente, conserver son poste au Parlement au-delà de 2017. D’un autre côté, une partie de la presse lui prédit une carrière dans son pays, en challenger d’Angela Merkel.

Martin Schulz a vécu plusieurs années à proximité d’Aix-la-Chapelle. La ville a vu mourir Charlemagne, considéré comme le père de l’Europe. Le projet européen, lui, vit encore. Mais pour combien de temps ?