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Antoni Macierewicz, antisémite, complotiste ... mais ministre de la Défense russophobe fréquentable

Le ministre polonais de la Défense ne fait pas mystère de son «europhobie» et de son antisémitisme. Mais s'il fait polémique, sa voix est écoutée à l'OTAN, pour qui un ministre russophobe et va-t-en-guerre est un atout pour son expansion.

L'homme est réputé courtois, élégant, extrêmement poli. On le dit même très galant et «vieille Europe». La barbe soignée, portant haut ses 68 ans, Antoni Macierewicz, ministre polonais de la Défense, se veut un homme policé. Mais au-delà des apparences, ses convictions lui vaudraient d'être mis à l'index dans la plupart des pays occidentaux.

Un opposant national-catholique et anti-soviétique

Issu des luttes des chantiers navals de Gdansk et de Solidarnosc, syndicat auquel il adhère dans les années 1980 par anticommunisme, Antoni Macierewicz sort du lot et gravit les échelons du pouvoir un à un, quitte à changer habilement de positionnement avec un flair de parieur étonnant.

Après la chute du mur de Berlin, il est ainsi élu député sous la bannière «national-catholique». En 2005, il prend la présidence du parti polonais nationaliste du Mouvement patriotique. En 2012, il rejoint définitivement le Parti Droit et justice, le «PiS» en polonais, parti très eurosceptique qui s'oppose à la politique européenne d'accueil des migrants au sein du groupe de Visegrad.

Lorsque le PiS revient au pouvoir en 2015, Antoni Macierewicz obtient la fonction régalienne de ministre de la Défense. Depuis lors, le «national-catholique», dont la vocation politique doit tout à la lutte contre le «grand frère» soviétique, a la main sur le destin militaire de la Pologne. Après 27 ans d'effort et de combat politique pour se construire une image de rempart contre les Russes, Antoni Macierewicz a enfin atteint le sommet.

Une consécration symbolisée par une poignée de main chaleureuse et un sourire complice du président des Etats-Unis, Barack Obama, compte tenu de la place déterminante de la Pologne dans le dispositif de l'OTAN en Europe de l'Est. Et, probablement depuis les chantiers de Gdansk, l'homme n'aime pas du tout la Russie.

Antoni Macierewicz voit des Russes partout

«La communauté internationale ne peut le tolérer et la Pologne ne peut cesser d'en parler car [l'Ukraine est tout ce] qui nous sépare de cet empire agressif qui ne cesse de présenter un danger pour nous», déclarait ainsi Antoni Macierewicz peu avant le sommet de l'OTAN des 8 et 9 juillet derniers.

Et le ministre de la Défense polonais d'asséner : «Avec la Russie, nous pouvons seulement discuter de la façon dont elle va se retirer des territoires occupés», réaffirmant avec aplomb deux contre-vérités, à savoir que le Donbass en rébellion contre le pouvoir central de Kiev ne se serait pas soulevé de lui-même mais serait un territoire occupé, et que l'armée russe aurait envahi et pris le contrôle de la province sécessionniste. Antoni Macierewicz prend ainsi des libertés avec la réalité, mais il n'en est pas à sa première réécriture de l'Histoire.

Complotisme antisémite et révisionnisme

En 2002, il déclare ainsi à la radio polonaise qu'il a lu Les Protocoles des Sages de Sion, l'ouvrage de référence des tenants de la théorie d'un complot juif de domination mondiale et déclare que «l'expérience montre qu'il existe de tels groupes dans les cercles juifs». Des propos que les associations juives n'ont pas oubliés. Alors qu'Antoni Macierewicz était nommé ministre de la Défense, Jonathan Greenblatt, le président de l'Anti-Defamation League, une ONG américaine qui lutte contre l'antisémitisme, avait écrit au Premier ministre polonais Beata Szydlo pour protester contre sa nomination.

Mais Antoni Macierewicz remet aussi en cause l'Histoire de l'Holocauste, ce qui le qualifie techniquement comme «révisionniste». Dans les années 1990, l'actuel ministre polonais de la Défense écrivait ainsi dans le journal Glos, que le pogrom des juifs de Kielce en 1946 n'aurait pas été perpétré par la population locale polonaise, et que les persécutions contre les juifs de Pologne durant la Seconde Guerre mondiale n'étaient pas de la responsabilité des collaborateurs nazis ukrainiens ni des Polonais mais devaient être attribuées aux Soviétiques. Les nombreux documents concrets sur lesquels s'appuient les historiens, la plupart occidentaux, du génocide juif n'ont donc pas retenu son attention.

L'OTAN a besoin de la Pologne

Mais ce révisionnisme ne rend pas l'homme pour autant infréquentable. L'OTAN a trouvé, avec la Pologne, un allié de choix dans son objectif de progression à l'Est, alors que certain Etats membres font état de désaccords avec les Etats-Unis et que la Turquie, autre pièce maîtresse de l'OTAN, paraît moins fiable après la tentative de coup d'Etat contre Erdogan du mois dernier.

D'autant que la Pologne est en plein processus de remilitarisation avec l'objectif de porter les effectifs de l'armée polonaise à quelque 150 000 combattants. Antoni Macierewicz a ainsi annoncé en juin dernier la création d'unités de défense territoriale, constituées de civils ayant suivi une formation militaire, soit 35 000 paramilitaires. Une quasi-milice aux ordres du ministre polonais de la Défense. De plus, Antoni Macierewicz se fait le porte-voix, et le canal officieux, des positions anti-russes que l'OTAN ne peut assumer officiellement.

Washington et Varsovie ont ainsi entamé en mai dernier la construction d'une base militaire commune en Pologne, en dépit des positions antisémites et anti-européennes du ministre polonais de la Défense. Bien au contraire, son hostilité à la Russie semble être utile pour accélérer l'élargissement de l'Alliance à l'Est de l'Europe. Et ce d'autant plus que, à terme, cette base de Redzikowo doit être intégrée dans le projet plus large de bouclier antimissile de l'OTAN, que Moscou a dès le début considéré comme une menace pour sa sécurité.

Alexandre Keller