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Viols d'enfants dans un camp de réfugiés en Turquie : des témoignages glaçants

Le camp de réfugiés de Nizip, en Turquie, a été le théâtre du viol de plusieurs enfants syriens par un agent d'entretien l'année dernière. Un camp pourtant cité en exemple par Angela Merkel et Donald Tusk lors de leur visite en avril dernier.

La Turquie a été secouée ces derniers jours par la révélation d'une série d'abus sexuels commis sur des enfants syriens dans un camp de réfugiés pourtant présenté comme exemplaire par les autorités. Dans le camps de Nizip, situé dans le sud-est du pays près de la frontière syrienne, un agent d'entretien est accusé d'avoir violé au moins huit enfants syriens âgés de huit à douze ans au cours de l'année 2015.

«Il m'a emmené dans les toilettes, puis il a brusquement enlevé mon pantalon et il m'a violé»

Les premiers témoignages laissent apparaître un mode opératoire similaire pour toutes les victimes : contre une petite somme d'argent (entre 1,5 et 5 livres turques, soit de 0,45 centimes à 1,5 euro), le violeur entraînait ses victimes loin des caméras de surveillance, notamment dans les toilettes et les douches du camp.

«Il m'a appelé et m'a emmené dans les toilettes. Il m'a offert 1,5 livres pour avoir des relations sexuelles, mais j'ai refusé. Puis il a brusquement enlevé mon pantalon et il m'a violé», a déclaré une jeune victime, un garçon de huit ans. «Quelques jours plus tard, il m'a appelé à nouveau, j'ai réussi à m'échapper. Mais lendemain, il m'a saisi, m'a traîné à nouveau aux toilettes et il m'a violé une seconde fois». 

Dans un autre témoignage, un jeune homme de 12 ans s'est plaint d'attouchements : «Pendant le Ramadan, il m'a appelé à la douche en me disant qu'il allait me donner 5 livres. Je suis venu à lui. Au début, il caressait différentes parties de mon corps, puis il a commencé à toucher mes parties génitales.»

«Il m'a dit de le retrouver dans les toilettes pour me donner 10 livres», a confié un enfant plus chanceux qui ajoute : «Mais à ce moment-là, je me suis enfui et suis allé raconter à mon père ce qu'il s'était passé. Nous sommes allé ensemble au poste de police pour tout raconter.»

Selon l'acte d'accusation que s'est procuré l'agence de presse russe Sputnik, le violeur, âgé de 27 ans, serait originaire de la ville de Sanliurfa, dans le sud de la Turquie. L'acte d'accusation parle «d'abus sexuels avec préméditation sur des enfants» et le procureur réclame 289 ans de prison. 

Pour l'instant, seulement huit jeunes garçons ont été formellement identifiés, et tous sont Syriens. Selon le journaliste Erk Acarer du journal turc Birgün qui a fait éclater l'affaire, la plupart des victimes ne se sont pas encore fait connaître car elles craignaient jusque-là d'être expulsées de Turquie en déposant une plainte devant la justice. 

Une affaire qui pourrait avoir des conséquences politiques

L'agence du gouvernement turc en charge des situations d'urgence (AFAD), qui gère ce camp comptant 10 800 réfugiés, a indiqué dans un communiqué «suivre de près» cette affaire. 

La chancelière allemande, Angela Merkel, et le président du Conseil européen, Donald Tusk, avaient encensé le camp lors de leur visite le 25 avril 2016, en compagnie de l'ex-Premier ministre turc, Ahmet Davutoglu. Donald Tusk avait même félicité la Turquie pour ce camp, représentant selon lui «le meilleur exemple, pour le monde, de la manière avec laquelle nous devrions traiter les réfugiés».

Le Parti républicain du peuple (CHP), principale formation turque d'opposition, a demandé l'ouverture d'une enquête parlementaire pour éclaircir les circonstances de cette affaire, pour l'instant, en vain. Le parti avait aussi prévu de faire, le 13 mai, une visite du camp et une rencontre avec les familles des victimes, mais les autorités locales leur ont refusé l'accès.

Pour le journaliste Erk Acarer, le pouvoir turc est coupable de négligences dans cette affaire et cherche à masquer la responsabilité des autorités : «Il y a 85 caméras dans le camp et 14 ont été signalées dans les scènes où les agressions sexuelles ont eu lieu. Mais étrangement, lorsque la justice a demandé les enregistrements vidéo, les autorités du camp ont répondu que les 14 caméras avaient été cassées et qu'elles n'avaient pas été en mesure d'enregistrer quoi que ce soit». 

Cette affaire donne à réfléchir sur les capacités de la Turquie à gérer le flux de réfugiés sur son territoire. «Le gouvernement prétend que les Syriens sont entre de bonnes mains, mais ce n'est pas vrai», conclut Erk Acarer.