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Opposition turque : la loi sur l’immunité parlementaire est un «suicide politique»

Le projet de loi visant à lever l’immunité des députés turcs soutenu par le président Erdogan s’adresse clairement aux parlementaires de l’opposition et risque d’aggraver les tensions dans le pays, a déclaré le co-président du parti HDP au Guardian.

«Ce projet de loi aura un impact négatif sur la Turquie et il est très clair que la tentative de priver les députés de leur immunité nous vise», a confié au Guardian Selahattin Demirtas, co-président du parti pro-kurde HDP, le Parti démocratique des peuples. Ce dernier, qui est également député, a mis en garde contre «un risque sérieux» de violences qui pourrait s’accroître dans le pays. «Il y en a [de la violence] déjà trop en Turquie», a-t-il fait remarquer.

Le 17 mai, le parlement turc a commencé à débattre de ce projet de loi controversé qui a été proposé par l’AKP, Parti de la justice et du développement, qui a remporté les dernières élections et auquel appartient Recep Tayyip Erdogan. Le vote final est attendu le 20 mai.

Ce projet veut priver les députés de leur immunité dans les affaires judiciaires, une évolution à laquelle le HDP s’oppose catégoriquement. Le parti, majoritairement composé de Kurdes et de libéraux de gauche, affirme que ce projet a pour but de renforcer les ambitions d’Erdogan à la présidence. Si ce projet est adopté, 50 des 59 députés du HDP seront concernés.

«Les canaux politiques démocratiques sont déjà en grande difficulté en Turquie et si ce projet de loi est adopté, beaucoup de gens penseront que ces canaux ont été complètement verrouillés. La croyance en la démocratie et une politique de paix tombera à zéro», déplore Selahattin Demirtas.

Ce projet contesté a été proposé alors que l’opération militaire turque contre les Kurdes se poursuit dans le sud-est du pays depuis le mois de juillet 2015 et la rupture complète du cessez-le-feu. «C’est déjà difficile de parler de la paix dans une époque où les Kurdes subissent une immense pression. Nombreux de nos électeurs renoncent à l’espoir de la paix et des jeunes veulent que j’utilise une langue plus dure contre l’Etat qui, comme ils le croient, n’est intéressé que par la guerre», a indiqué le co-président du HDP.

Le projet de loi sur la levée de l’immunité des parlementaires poursuivis dans des affaires judiciaires fera l’objet d’un référendum s’il n’obtient pas le soutien de 330 des 550 députés que compte le Parlement turc. Mais les observateurs estiment qu’une telle issue est peu probable. Pour le moment, il est difficile de prédire le résultat du vote. Mais Selahattin Demirtas, estime toutefois que l’entrée en vigueur de «ce projet de loi serait un suicide politique pour la Turquie».

Début mai, une réunion de parlementaires turcs sur ce projet de loi s’était terminée par une bagarre et n’avait pu empêcher la levée partielle de l’immunité des parlementaires turcs dans certaines conditions. La police peut en effet désormais constituer des «dossiers» et préparer des procédures de poursuites judiciaires qui débuteront dès que les personnes visées ne seront plus parlementaires.