En février 2016, des activistes kurdes ont accusé l'armée turque d'avoir assassiné des centaines de civils piégés dans des caves à Cizre. Selon les rapports, 150 personnes ont été brûlées vives.
Une équipe de RT s'est rendue à Cizre, afin d’obtenir des informations directement de la part de témoins ayant vu les événements se dérouler. Ces habitants ont montré le lieu d’un présumé massacre. RT a filmé des bâtiments détruits, mais aussi des taches de sang sur des débris et de nombreuses douilles de munitions. Un témoin a rapporté que des femmes et des enfants, certains n'ayant que 10 ans, faisaient partie des victimes.
RT a ensuite pris contact avec Human Rights Watch, Amnesty International, le CICR et d’autres organisations internationales pour leur communiquer ces informations, mais, invoquant diverses raisons, aucune d'entre elles ne les a réellement commentées.
Le courriel d'Amnesty International indique qu’«ils ne seront pas capables pour l’instant de faire des commentaires à ce sujet et doivent refuser [l']offre». HRW explique que ses chercheurs turcs «examinent toujours les allégations mais ne sont pas capables de commenter pour le moment».
Le CICR a indiqué ne pas avoir un bureau turc, raison pour laquelle il ne peut pas enquêter la situation au sud-est. Le bureau du commissaire de l’ONU aux droits de l’homme à Genève n’a offert qu’un communiqué de presse datant du 1er février, alors MSF n’a pas répondu à la publication.
C'est en réaction à ce silence qu'est née l'idée d'une pétition demandant la tenue d’une enquête internationale indépendante menée par le haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Lancée au côté du hashtag #JusticePourLesKurdes, cette pétition entend que les présumés massacres de Kurdes dans le sud-est de la Turquie ne passent pas inaperçus auprès de la communauté internationale.
«Nous voulons attirer largement l’attention du public et appeler à une enquête indépendante menée par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies dans le meurtre de masse des Kurdes au sud-est de la Turquie», indique la pétition lancée par RT sur Change.org.
En janvier, environ 1 200 universitaires, dont des personnalités célèbres comme l'activiste américain Noam Chomsky ou le géographe anglais David Harvey ont signé une déclaration baptisée «Nous ne ferons pas partie de ce crime», condamnant les opérations militaires contre les rebelles kurdes dans le sud-est du pays. Ils ont été ensuite accusés par Ankara de participer à la «propagande terroriste» alors que plus de 20 personnes avaient été interpellées pour signer le document.
Pour Moscou, une enquête est nécessaire
De son côté, Moscou insiste sur la nécessité d’enquêter sur les abus flagrants à l'encontre des droits de l’homme, notamment contre les citoyens kurdes au sud-est de la Turquie, a fait savoir mercredi le ministre russe des Affaires étrangères lors d’un briefing.
«Tout rapport, notamment ceux qui sont documentés, concernant des violations des droits de l’homme à large échelle, ainsi que celles du droit humanitaire international, doit être examiné. Il existe des procédures spéciales pour cela», a expliqué Sergueï Lavrov.
Les Kurdes de Turquie constituent la minorité la plus large de la population nationale, en en représentant, selon différentes estimations, de 15 à 30%. En juillet 2015, l’armée turque lançait une opération contre les séparatistes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le sud-est du pays, brisant ainsi l’accord de cessez-le-feu en vigueur depuis deux ans.
Amnesty International a annoncé en janvier qu’au moins 150 civils, dont des enfants, avaient déjà été tués dans les opérations d'Ankara au sud-est du pays, alors que plus de 200 000 personnes vivant dans ces régions déstabilisées sont en danger.
Selon la Fondation turque des droits de l’homme (HRFT), depuis août, les troupes turques ont imposé au moins 58 couvre-feux, perturbant la vie de 1,4 million de personnes habitants dans les provinces consternées.
La Turquie assure qu’elle continuera ses opérations contre les militants kurdes, les justifiant par la nécessité d'assurer la sécurité dans la région. Pour l’instant, Ankara lutte contre les militants de PKK au sud-est de la Turquie, au nord de la Syrie et en Irak, sans avoir reçu le moindre appel pour réaliser de telles opérations militaires ni de Damas, ni de Bagdad. Ce faisant, la Turquie viole la souveraineté et l’intégrité territoriale de deux pays, a noté le chef de la diplomatie russe.
Suite aux attentats qui ont récemment ébranlé la capitale turque, Ankara a immédiatement mis en cause les Kurdes, a fait remarquer Sergueï Lavrov, soulignant qu'«il n’y a eu aucun rapport concernant la tenue d’une enquête.»
Ces accusations ont été utilisées comme prétexte pour bombarder les territoires syriens habités par des Kurdes, a conclu le ministre russe avant d'appeler la communauté international à agir.
Il a en outre prévenu qu’Ankara était responsable des perturbations qui entravent les efforts internationaux visant à régler la crise en Syrie. «Les actions turques perturbent les efforts en cours, y compris [ceux réalisés] avec l’approbation du Conseil de sécurité de l’ONU, pour faire respecter le cessez-le-feu, pour l’acheminement d'aide humanitaire, ainsi que pour le lancement d’un règlement politique [de la crise]», a poursuivi le diplomate.