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Erdogan à l'UE : «Mêlez-vous de ce qui vous regarde»

L'UE a demandé à la Turquie de réviser ses lois anti-terroristes si elle voulait que ses citoyens aient accès à un régime sans-visas pour se rendre en Union européenne. Le président turc a refusé cette requête en restant fermement sur ses positions.

«Vous suivez votre chemin, nous suivons le nôtre», a affirmé Recep Tayyip Erdogan dans un discours retransmis en direct à la télévision. 

L'UE veut en effet que la Turquie affine sa définition beaucoup trop large du terrorisme pour s'aligner sur des normes correspondant strictement à celles de l'UE. C'est l'un des cinq critères que la Turquie doit encore mettre en pratique pour bénéficier d'un régime sans visas avec l'UE, en plus de la lutte contre la corruption et la négociation d'un accord avec Europol en autres.

Mais le chef d'Etat turc affirme que la législation sur le terrorisme doit rester telle quelle pour lutter efficacement contre les militants kurdes souvent qualifiés de «terroristes» par Ankara, et la menace de l'Etat islamique.

Les critiques d'Erdogan eux, soutiennent que les lois antiterroristes d'Ankara sont avant tout une excuse pour mener une répression à grande échelle contre les opposants, les journalistes et les universitaires dissidents.  

Les affirmations d'Erdogan interviennent au lendemain de l'annonce de la démission du Premier ministre Ahmet Davutoglu qui a expliqué qu'il ne présenterait pas sa candidature au vote du congrès de son parti, en raison de divergeances entre lui et le président Erdogan. 

En effet, le chef de l’Etat turc a qualifié d’exagérée l’importance de l’accord offrant aux citoyens turcs le déplacement sans visas dans les pays européens, alors que le Premier ministre le juge comme la principale victoire de son parti.

Depuis le 18 mars, et la conclusion de l’accord sur la gestion des flux migratoires vers l’Europe à Bruxelles, les tensions entre l’UE et la Turquie se sont intensifiées. D’après l’accord, Ankara doit accueillir tous les migrants et réfugiés qui traverseraient la mer Egée pour arriver en Grèce illégalement. En retour, Bruxelles doit verser à Ankara plusieurs milliards d’euros et entamer de nouvelles négociations en vue de l'adhésion de la Turquie à l’Union européenne.

Mais si pour certains, la Turquie fait peu pour résoudre la crise des migrants, d'autres sont persuadés de sa fiabilité sur cette question. Ainsi, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) déclare que si dans un premier temps, l’accord a fortement ralenti le nombre d'arrivées en Grèce, des bateaux arrivent à nouveau, avec environ 150 personnes par jour.

Le président turc répète souvent que «l'Union européenne a plus besoin de la Turquie que la Turquie n'a besoin de l'Union européenne» pour manipuler une Union épuisée par l’énorme afflux de migrants et poursuivre la mise en œuvre anticipée de la libéralisation du régime de visas et de l'accélération du processus d'adhésion de la Turquie à l'UE.

Un pied-de-nez à Angela Merkel

Le président turc défie ainsi clairement la chancelière allemande qui avait pourtant redoublé d'efforts et de diplomatie ces derniers mois pour apaiser les tensions entre Ankara et Bruxelles et faire fonctionner l'accord entre la Turquie et l'UE.

Le 23 avril dernier, la chancelière s'était rendue à Gaziantep, dans le sud de la Turquie, pour visiter un camp de réfugiés et évaluer la mise en œuvre de l’accord.

Mais si Angela Merkel s’occupe avec tant d'attention de la crise migratoire en Europe, sa cote de popularité en Allemagne tombe drastiquement. D’après de récents sondages effectués par l’institut Infratest Dimap, elle a atteint son niveau le plus bas depuis 2011, soit 33% d'opinons favorables.

En plus de citoyens, les hommes politiques en profitent pour critiquer sa politique. Le Premier ministre de la Bavière, Horst Seehofer, a déjà prévenu Angela Merkel qu'il commencerait à agir sans prendre en compte les avis de Berlin si le gouvernement ne faisait pas fléchir l'afflux vers la Bavière de réfugiés venant d'Autriche.

En mars dernier, le parti d'Angela Merkel la CDU a essuyé une de ses plus grandes défaites de ces dernières décennies. Ces élections auront été un grand succès pour le parti AfD qui se prononce notamment contre la politique migratoire et l'Islam.

L'Alternative pour l'Allemagne (AfD) a engrangé de 10 à 11% au Bade-Wurtemberg et 12,5% des voix en Rhénanie-Palatinat, selon la même source. En Saxe-Anhalt, l’AfD a même obtenu un score historique pour un parti populiste de droite : de 21,5% à 22,8  des électeurs ont voté pour eux. Ces résultats lui ont même permis d’entrer dans les trois parlements.