«Je ne pense pas que quiconque décide de provoquer ou jouer à des jeux dangereux tant que les forces aériennes russes restent [en Syrie]», a souligné Sergueï Lavrov dans son interview exclusive à Sputnik, en s’exprimant sur l’éventualité d’une incursion turque ou saoudienne. Le mercredi 4 mai, le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu a déclaré à Al Jazeera qu’Ankara est prêt à envoyer des troupes terrestres en Syrie «si [cela devenait] nécessaire afin de garantir la sécurité [de la Turquie]».
Le ministre des Affaires étrangères russe a souligné qu’il «est nécessaire d’éduquer ceux qui essaient de promouvoir» une invasion militaire car cela équivaudrait à «une agression directe». «Mais je ne crois pas qu’ils existe de justification, même une excuse [pour procéder à une invasion militaire] car la trêve [en Syrie] se renforce malgré tout», a-t-il ajouté.
«Bachar el-Assad n’est pas un allié de la Russie du même genre qu’Ankara pour Washington»
Le chef de la diplomatie russe a souligné que Moscou aidait le gouvernement de Bachar el-Assad à combattre les djihadistes mais il ne fallait pas parler de relations d’alliés avec la Russie.
«[Bachar al-Assad] Assad n’est pas notre allié. Oui, nous le soutenons dans la lutte contre le terrorisme et pour la sauvegarde de l’unité de l’Etat syrien. Mais il n’est pas notre allié en ce sens que la Turquie est un allié des Etats-Unis», a expliqué Sergueï Lavrov.
La Turquie impose ses conditions à l’UE
L’Europe se laisse influencer par la Turquie et reprend presque l’idée turque de «zones de sécurité» en territoire syrien, a remarqué le ministre russe.
«A notre grand regret, l’UE, à cause du chantage de la Turquie, commence à tenir pour acquis cette conception des zones de sécurité. Au moins, lorsque le président Obama était à Hanovre, la chancelière Merkel a prononcé lors d’une conférence de presse une phrase selon laquelle ils soutenaient cette idée de zones de sécurité. Obama l’a renié tout de suite publiquement, mais cela a bien résonné», a-t-il indiqué.
Selon lui, derrière toutes ces idées et les rumeurs concernant un «plan B» pour la Syrie, on pourrait voir des «aspirations expansionnistes» d’Ankara. Ainsi, Sergueï Lavrov a rappelé que l’armée turque demeurait en Irak «sans autorisation et malgré les demandes du gouvernement légitime irakien» alors que la Turquie déclare que son objectif est de «renforcer la souveraineté et l’unité du territoire de l’Irak».
Les autorités turques semblent motivées par «l'élargissement de son influence et de son territoire», a-t-il poursuivi, en citant comme exemple le fait que la Turquie avait violé 1 800 fois l’espace aérien grec l’année dernière sous le consentement tacite de l’UE et l’OTAN. «Une telle complaisance envers ce comportement explicitement expansionniste ne mène à rien de bon», a souligné le ministre.
«Sous des pressions extérieures, Washington a essayé d’inclure le Front al-Nosra dans le cessez-le-feu»
Selon Sergueï Lavrov, des tierces parties ont tenté de faire pression sur les Etats-Unis afin de protéger les djihadistes du Front al-Nosra, la branche syrienne de l’organisation terroriste Al-Qaïda.
«Lors des négociations, nos partenaires américains ont essayé de délimiter la «zone de silence» pour inclure une partie importante des positions occupées par le Front al-Nosra. Nous sommes parvenus à rejeter [cette proposition] car c’était absolument inacceptable», a-t-il raconté.
«Mais cela laisse penser que quelqu’un veut utiliser les Américains. Je ne crois pas que ce soit dans leur intérêt de couvrir le Front al-Nosra», a souligné le ministre des Affaires étrangères.
A son tour, le département d’Etat américain a démenti cette information. «C’est faux», a déclaré le porte-parole Mark Toner le 4 mai.
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