En décembre 2010, des journalistes ont dévoilé une collaboration étroite entre les services spéciaux de la Suède et les Etats-Unis, gardée secrète non seulement du public, mais également du Parlement suédois. Malgré l’indignation et la critique extrêmement grave envers le gouvernement, ayant perdu le contrôle de la situation et étant devenu excessivement «soumis aux autorités américaines», aucun fonctionnaire suédois n’a été accusé ni puni par la suite, a fait savoir le journal The Washington Post. Cependant, cette information est essentielle pour comprendre pourquoi le pays scandinave n’a jamais adopté de position claire concernant une possible extradition de Julian Assange, accusé en Suède d’abus sexuels.
A la lumière de nouvelles révélations du site militant des droits de l’Homme, The Indicter, cette histoire devient encore plus troublante. D’après le magazine suédois, Martin Fredriksson, un journaliste suédois reconnu, a longtemps été un agent infiltré de la SÄPO, les services secrets du pays.
Selon les propres déclarations de Martin Fredriksson, publié sur son compte Twitter, il a travaillé pour le gouvernement dès 2004 et jusqu’à 2010. «L’année où la Suède a ouvert une enquête contre le fondateur de Wikileaks», souligne The Indicter, en ajoutant qu’il s’agissait aussi de la période durant laquelle le ministère des Affaires étrangères était dirigé par Carl Bildt, opposant notoire à Julian Assange.
Martin Fredriksson aurait joué un rôle crucial pour influencer la branche locale de l’ONG Amnesty International afin qu’ils ne fassent pas leur travail... et ne défendent pas Julian Assange devant le gouvernement suédois. L’un de ses objectifs était de s’assurer que l'organisation n’allait pas faire pression sur les autorités pour qu'elles fournissent des garanties juridiques contre l'extradition du lanceur d’alerte aux Etats-Unis.
Même si le journaliste a terminé sa carrière d’agent secret en 2010, il a continué à mener une campagne de lobbying intense auprès d’Amnesty Sweden pendant les années suivantes. Ainsi, le 27 septembre 2012, il a écrit un email à Bobby Velluci, la représentante de l’ONG, en demandant si «Amnesty Sweden souscrit à la déclaration d'Amnesty international sur Assange», concernant les garanties de non-extradition. Il a également proposé que la branche devrait expliquer au bureau central que «la législation du pays n’émet aucune promesse ou garantie en avance».
Il semble que l’agent infiltré a en partie rempli sa mission. Researchgruppen, une ONG anciennement dirigée par Fredriksson qui s’est depuis éloignée de lui, a écrit dans un communiqué le 1er mars dernier que «la section suédoise d’Amnesty International a montré une tendance persistante à dévier de la ligne de son organisation parente (…) sur une variété d’importants problèmes géopolitiques».
Un mandat d’arrêt a été émis à l'encontre de Julian Assange en 2010 après que deux femmes de nationalité suédoise l’ont accusé d’agression sexuelle. Le fondateur de WikiLeaks a nié ses accusations et a réussi à éviter l’extradition en Suède en se réfugiant à l’ambassade d’Equateur à Londres où il vit cantonné depuis 2012.
Actuellement il fait l'objet d'une demande d'extradition de la Suède où il est toujours poursuivi pour une allégation de viol, alors que deux autres chefs d’accusation ont été abandonnés pour prescription.
Julian Assange refuse de comparaitre face à la Justice suédoise, de peur de se faire extrader aux Etats-Unis, où il fait l'objet de poursuites judiciaires pour espionnage, du fait de ses activités liées à Wikileaks, ce qui pourrait s’il est jugé le mettre derrière les barreaux pour de très nombreuses années.
Le 5 février dernier, le groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a jugé qu’Assange avait été détenu arbitrairement par les gouvernements de Suède et du Royaume-Uni et a demandé à ce qu’il puisse recouvrer sa liberté.
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