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Des présentateurs TV japonais perdent leur emploi sur fond de pressions politiques

Tandis qu’au Japon la loi permet aux autorités de fermer les médias dont la position s’écarte de la «neutralité politique», trois éminents présentateurs de programmes d’actualité, connus pour poser des questions embarrassantes, ont perdu leur poste.

L’incident a eu lieu quelques jours après l’annonce adressée aux organisations médiatiques par Sanae Takaichi, la ministre japonaise des Affaires intérieures et des Communications. Les diffuseurs qui ont échoué à plusieurs reprises à se montrer «neutres» dans leur couverture de l’actualité politique, malgré les alertes officielles, courent le risque d’être remerciés, a-t-elle expliqué.

Les lois sur la diffusion récemment adoptées donnent en effet le pouvoir au ministère en question pour suspendre les émissions qui ne respectent pas la «neutralité politique».

«Ce n’est que de l’intimidation visant les diffuseurs», a estimé dans un communiqué l’Union des travailleurs du secteur télévisuel. «Les remarques [de Takaichi] représentent une interprétation erronée de la loi et nous demandons à ce qu’elle retire rapidement ses propos.»

Trois présentateurs dont on a montré la porte

Ainsi, les trois présentateurs japonais se sont exposés à la controverse pour avoir refusé de suivre l’approche policée que la plupart de leurs collègues ont adoptée pour couvrir l’actualité politique.

En tant qu’hôte de Hodo Station, une populaire émission d’actualité, Ichiro Furutachi s’est retrouvé sous le feu des projecteurs quand un des commentateurs réguliers de son show, Shigeaki Koga, a prétendu qu’il avait été forcé de démissionner suite aux pressions exercées par des responsables gouvernementaux, mécontents des critiques prononcées contre l’administration du Premier ministre Shinzo Abe.

Un autre journaliste du réseau TBS, Shigetada Kishii, a mis en colère les sympathisants du gouvernement l’année dernière après avoir émis des réserves sur la législation sur la sécurité appuyée par le Parti libéral-démocrate du Premier ministre japonais au pouvoir.

Hiroko Kuniya, la présentatrice vétéran d’une émission d’affaires sur le diffuseur public n’a pas non plus fait d’exception. Quant à son «crime», elle a osé irriter Yoshihide Suga, secrétaire en chef du cabinet et allié proche de Shinzo Abe, avec une question improvisée lors d’une discussion sur la législation de sécurité.

Alors que les présentateurs ont refusé de commenter leur départ, les experts indiquent que le Premier ministre et ses alliés ont fait part de leur courroux aux patrons de chaines. «Ce n’était pas leur décision de partir», a noté Sanae Fujita du Centre pour les droits de l'Homme de l'Université d'Essex. «Mais leurs supérieurs ont relayé la pression de leurs collègues qui sont «amis» avec Abe», a-t-elle conclu, dénonçant la pratique répandue d’autocensure des médias japonais. 

Depuis 2010, le Japon est passé du 11e au 61e rang du classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières.

L’organisation non gouvernementale considère la loi controversée adoptée par Tokyo en décembre 2014 et visant à protéger les secrets de l’Etat comme une possible raison de cette chute brutale. Selon la loi, le gouvernement est capable de condamner tous ceux qui diffusent des secrets d’Etat à jusqu’à 10 ans de prison.

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