International

Le Pentagone retarde de nouveau la publication de photos de détenus irakiens et afghans torturés

Les militaires américains ont retardé la publication d’environ 200 images d’actes de torture commis dans les centres de détention américains en Irak et Afghanistan. Elles auraient dû être diffusées vendredi selon l’injonction du tribunal.

L'Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) a demandé ces photographies en 2004 en vertu de la loi sur la liberté d’information, à la suite du scandale d’Abou Ghraib. A l’époque, les médias ont publié des images montrant les abus, la torture et les humiliations infligés sur des prisonniers par des militaires de l'armée américaine et des agents de la Central Intelligence Agency (CIA) dans cette installation située à Bagdad.

Lorsque le président Barack Obama a pris le pouvoir en 2009, il s’est prononcé dans un premier temps pour la publication des images, mais a ensuite changé d’avis et a bloqué leur diffusion, indiquant que les images pourraient «enflammer l’opinion anti-américaine et mettre nos troupes en grand danger».

Dans la même année, le dirigeant américain a essayé de minimiser l’importance de photos. «Je veux souligner que les photos en question ne sont pas particulièrement sensationnelles, surtout en comparaison avec les images pénibles que nous nous rappelons d'Abou Ghraib».

Finalement le juge d’une Cour fédérale des Etats-Unis a ordonné la publication de 2 100 images faisant preuve des abus et de la maltraitance exercés sur les détenus. Après une longue bataille légale, le Secrétaire américain à la Défense Ashton Carter s’est accordé pour publier 10% des images exigées, à la date du 29 janvier 2016. Mais cet engagement n’a pas été tenu.

L’ACLU insiste pour que toutes les photos soient rendues publiques, car permettre au gouvernement de dissimuler de telles preuves invite à la répétition d’actes similaires à l’avenir.

Torture ou pas torture ?

La CIA ne qualifie pas les méthodes qu’elle utilise de «torture». Au lieu de cela, elle les a souvent dénommées «techniques d’interrogatoire renforcées».

Ce qui se cache derrière cette appellation a été révélé dans un rapport du Sénat il y a un an. Parmi les méthodes décrites figuraient : la torture par l'eau, afin de simuler une noyade et causer la panique. Des prisonniers ont aussi fait l’objet d’humiliations en étant exhibés nus. L'agrypnie est une autre tactique utilisée afin de maintenir le détenu éveillé pendant plusieurs jours consécutifs.

En 2014, le président Barack Obama a admis que certaines des techniques utilisées s’assimilaient à de la torture. «Immédiatement après le 11 septembre, nous avons fait de mauvaises choses. Nous avons aussi fait beaucoup de choses justes, mais nous avons torturé des gens», a-t-il admis.

Des «techniques d’interrogatoire renforcées»

La tristement célèbre prison de Guantanamo à Cuba a également fait face à des plaintes répétées pour torture. Shaker Aamer est un ressortissant britannique qui y a passé presque 14 ans sans être ni inculpé, ni jugé.

La chaîne RT s’est entretenue avec lui juste après sa libération en octobre dernier. L’ancien prisonnier a maudit le terme de «techniques d’interrogatoire renforcées», qui est utilisé par les politiciens américains pour décrire ce qui est fait aux prisonniers de la Baie de Guantanamo. «Pratiquons cet interrogatoire technique sur vous !», a-t-il déclaré, s'adressant à «tous ces sénateurs, tous ces membres du Congrès».

«Garder un homme pendant neuf jours sans dormir ou sans même pouvoir s'étendre sur le sol, ce sol glacé, les membres liés (les bras et les jambes de la personne attachés pour le maintenir immobile), nourrir les personnes par l'anus, il ne s'agit clairement pas de nourrir la personne, nous savons pourquoi ils font cela. Si tout cela n'est pas de la torture alors qu'est-ce que c'est ?», s’est interrogé l'ancien détenu.