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Bruxelles lance une enquête préliminaire inédite sur la situation de l'Etat de droit en Pologne

Bruxelles se penche mercredi sur des réformes controversées du nouveau gouvernement conservateur polonais sur le remaniement des médias et de la législation, brandissant la menace d'une procédure pour atteinte à l'Etat de droit.

«L'objectif de la procédure que nous lançons est de clarifier les faits de façon objective, évaluer la situation plus en profondeur, et débuter un dialogue avec les autorités polonaises sans préjuger de possibles étapes ultérieures» explique Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne. 

«Il semble que le Tribunal constitutionnel a pris des décisions qui ne sont pas appliquées par d'autres institutions publiques. Et il y a des mesures qui ont été prises par le législateur nouvellement élu qui affectent son fonctionnement» ajoute-t-il, précisant qu'il s'agit d'une question grave dans un pays régi par l'Etat de droit. 

La Commission va donc faire une première évaluation de la situation, qui selon la procédure créée en mars 2014, est suivie de conclusions sur l'existence ou non de «menace systémique envers l'Etat de droit». Si la conclusion est positive, la Commission engagera alors un dialogue qui tiendra lieu d'avertissement, avec la possibilité pour le pays membre concerné de répondre.

Frans Timmermans avait déjà personnellement adressé deux lettres au nouveau gouvernement polonais après les élections d'octobre remportées par le parti conservateur Droit et Justice (PiS) de Jaroslaw Kaczynski, demandant des explications sur des lois récemment votées.

Même si ces nouvelles lois sur les médias et le Tribunal constitutionnel ne sont pas directement en infraction avec la législation européenne, elles soulèvent des questions à Bruxelles sur le respect de l'Etat de droit.

La première, adoptée le 24 décembre, modifie les règles du vote à majorité qualifiée du Tribunal constitutionnel, où cinq nouveaux juges ont été placés par le nouveau gouvernement, déclenchant un bras de fer avec le président de cette cour.

La seconde, votée à la hâte le 30 décembre, fait expirer avec effet immédiat les mandats des membres des directions et des conseils de surveillance de la télévision et de la radio publiques et confie le pouvoir de les nommer au ministre du Trésor.

En cas d'échec de la procédure de sauvegarde de l'Etat de droit, les traités européens prévoient une sanction ultime radicale consistant à retirer au pays son droit de vote lors des sommets et réunions ministérielles de l'UE. Une option qui à ce stade semble exclue pour la Pologne.

Le gouvernement polonais a néanmoins aussitôt réagi, relativisant l'importance de la décision de Bruxelles.

«Il s'agit d'un dialogue standard. Aucune décision n'a été prise qui puisse avoir un impact négatif sur les relations entre la Pologne et l'Union européenne», a commenté le porte-parole du gouvernement à Varsovie.

La Première ministre polonaise Beata Szydlo a par ailleurs appelé l'opposition à présenter un front uni avec le gouvernement, qualifiant de «calomnies» les attaques dont leur pays fait l'objet à l'étranger.

«La Pologne est injustement accusée de choses qui n'existent pas dans notre pays (...) de violer les principes de l'Etat de droit. Ce n'est pas vrai. La démocratie se porte bien en Pologne», a-t-elle clamé devant le parlement.