Après le vote de son parlement, la Pologne se retrouve sur le banc des accusés de l’Union européenne. La Diète a en effet voté, le 30 décembre, une loi permettant de mettre les médias publics sous le contrôle du parti dominant, en l'occurence le parti conservateur, arrivé au pouvoir en octobre dernier. Et le 31 décembre, dans le cadre d'une procédure express, ce sont les sénateurs polonais qui ont approuvé cette loi controversée qui fait notamment expirer avec effet immédiat les mandats des membres des directions et des conseils de surveillance de la télévision et de la radio publiques.
Cette loi était souhaitée par le parti conservateur Droit et Justice de Jarosław Kaczyński qui a placé Beata Szydło au poste de présidente du Conseil des ministres.
Côté européen, en revanche, cette nouvelle loi n’est pas vue d’un bon œil. Elle serait même contraire aux valeurs de l’Union européenne. Ainsi, le 3 janvier, le commissaire européen au Numérique, l'Allemand Günther Oettinger, a menacé Varsovie d'enclencher une procédure inédite pour violation des valeurs fondamentales de l'UE. Il s’agit de la sanction la plus importante pouvant frapper une membre de l'UE.
«Beaucoup de choses plaident pour que nous activions le "mécanisme d'Etat de droit" et que nous placions Varsovie sous surveillance», a notamment déclaré Günther Oettinger à l'édition dominicale du journal allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ). Selon le journal, Jean-Claude Junker, le président de la Commission aurait même déjà mis cette question à l'ordre du jour de sa prochaine réunion, le 13 janvier.
Si cette sanction devait être prononcée, cela serait une première historique. L’utilisation de cette procédure avait été évoquée à l’encontre de la Hongrie de Viktor Orban à propos de son attitude à l'égard des migrants, mais l’UE n’avait pas été jusqu'au bout du processsus. Cette procédure vise en effet les pays membres au sein desquels des «dangers systémiques contre l'Etat de droit» sont observés. Si l'Etat en question ne réagit pas aux propositions de changements formulées par la Commission européenne, cette dernière peut entamer une «procédure pour atteinte aux valeurs fondamentales européennes». La sanction la plus importante peut être le retrait du droit de vote du pays au sein du Conseil européen.
Avant l’UE, plusieurs organisations de médias comme l'Union européenne de Radio-Télévision (UER/EBU), l'Association des journalistes européens (AEJ) et Reporters sans frontières (RSF), avaient exprimé leur «indignation» face à ces dispositions. Le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, a demandé à Varsovie de s'expliquer.