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Kenya : des musulmans protègent des chrétiens lors d’une attaque

Des islamistes somaliens shebab ont attaqué un bus au nord-est du Kenya tuant deux personnes et en blessant six autres. Le bilan aurait pu être plus lourd sans le courage des passagers musulmans, qui ont refusé de se séparer des chrétiens.

De quoi vous redonner foi en l’humanité. Le bus qui faisait la liaison entre Mandera, au nord-est du Kenya et Nairobi a été le théâtre d’un tragique morceau de bravoure. Alors que les passagers font route vers la capitale, des islamistes shebab attaquent l’autocar. Ils sont à proximité d’Elwak, à environ 150 km au sud de Mandera, à la frontière somalienne. Les assaillants demandent aux musulmans de s’écarter des chrétiens. Selon le chauffeur, joint pas une employée de la compagnie de bus, ces derniers refusent :  «Tuez-nous ensemble ou laissez-nous tranquille.» Une attitude qui a mis sous pression les bourreaux les conduisant à partir. Deux personnes seront tout de même assassinées dont une qui a tenté de fuir.

De multiples attaques

«Ces musulmans ont envoyé un message très important d'unité, disant que nous sommes tous Kényans et que nous ne pouvons pas être séparés par l'Homme», a déclaré le ministre de l'Intérieur Joseph Nkaissery. Pourtant, ces derniers mois, les shebab affiliés à Al-Qaïda ont mené plusieurs attaques en territoire kényan. Des exactions lors desquels les musulmans ont souvent été épargnés, après avoir été séparés des chrétiens.

C’était le cas en avril dernier, lorsque les islamistes ont commis un véritable massacre à l’Université de Garissa, tuant 148 personnes. Des témoins ont raconté comment les assaillants avaient repéré les chrétiens avant de les abattre tout en laissant de nombreux musulmans sains et saufs. L’année dernière, à la même époque, un bus avait été attaqué par les shebab à proximité de Mandera. 36 chrétiens voyageant pour les célébrations de noël avaient trouvé la mort.

Le Kenya est l'une des cibles privilégiées des shebab depuis octobre 2011, date à laquelle il a commencé à fournir un contingent militaire à la force de l'Union africaine en Somalie (Amisom). Chassés depuis mi-2011 de Mogadiscio, puis de leurs principaux bastions du centre et du sud somaliens, ils contrôlent toujours de larges zones rurales. Des bases d'où ils mènent des opérations de guérilla et des attentats-suicides contre les symboles du fragile gouvernement somalien ou contre l'Amisom qui le soutient.

Une population à bout

Le geste courageux de ces citoyens musulmans trouve peut-être son essence dans leur propre condition. La majorité de la population musulmane du nord-est kenyan est d’origine somalienne. S’ils ne sont pas les cibles prioritaires du groupe Al-Shabbaab, ils souffrent des conséquences de leurs exactions. L’attaque du bus de Mandera, l’année dernière, a provoqué le départ de 2000 professeurs ainsi que de nombreux travailleurs humanitaires.

La galerie des horreurs est pleine pour les habitants de la zone. Qu’ils soient musulmans ou chrétiens. Reste à savoir si la bravoure dont ont fait preuve certains motivera le reste de la population à résister d'avantage à la barbarie et donner raison au gouverneur de Mandera, Ali Roba : «Les citoyens ont montré leur sens du patriotisme et de la fraternité.»