«Les agences de renseignement américaines ont déterminé que Poutine n’avait probablement pas ordonné que Navalny soit tué dans le camp de prisonniers notoirement brutal en février», a écrit le Wall Street Journal (WSJ) dans un article publié ce 27 avril, citant des sources «familières avec la question».
Cette analyse, qui serait en partie basée sur «des renseignements classifiés», est «largement acceptée au sein de la communauté du renseignement et partagée par plusieurs agences, dont la Central Intelligence Agency, le bureau du directeur du renseignement national et l’unité de renseignement du département d’État», a poursuivi le quotidien américain.
Autre élément qu’auraient pris en compte les agents américains dans leur analyse : le «timing» de la mort de Navalny, à un mois du scrutin présidentiel. «Le président russe Vladimir Poutine n’aurait peut-être pas prévu que cela se produise à ce moment-là», a ajouté le WSJ, soulignant que cette «évaluation ne conteste pas la culpabilité de Poutine dans la mort de Navalny».
Le décès de Navalny avait été annoncé le 16 février par le service pénitentiaire fédéral du district autonome de Iamalo-Nénétsie (en Arctique) où il purgeait une peine de 19 ans de colonie pour «extrémisme». Le détenu «s'est senti mal après une promenade, perdant presque immédiatement connaissance», précisait le communiqué, ajoutant que les mesures de réanimation n'avaient pas porté leurs fruits.
Les proches de Navalny rejettent les conclusions américaines
Selon le quotidien américain, certains responsables européens demeureraient «sceptiques» face à ces conclusions américaines. Les proches de Navalny, dont ces conclusions du renseignement américain balaient la thèse, se sont également insurgés contre cette analyse contredisant leur version. «Ceux qui affirment que Poutine n’était pas au courant "ne comprennent clairement rien à la façon dont la Russie moderne fonctionne"», relate le WSJ, citant Leonid Volkov, un proche de Navalny.
Dans la foulée de l’annonce de mort de Navalny, sa femme avait accusé Vladimir Poutine d’avoir «tué» l’opposant. Celle-ci s’était également rendue à Bruxelles où elle avait rencontré le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell et prononcé un discours devant le Parlement européen, au cours duquel elle avait enjoint les eurodéputés à agir contre Vladimir Poutine, déclarant qu’il devait «répondre de tout ce qu'il a fait à Alexeï». Le 18 mars, Josep Borrell annonçait l’adoption par les ministres des Affaires étrangères des Vingt-sept de nouvelles sanctions à l’encontre «des responsables du meurtre de Navalny».
Autres «sceptiques» cités par le Wall Street Journal : Slawomir Debski, le directeur de l’Institut polonais des affaires internationales, «un think tank proche de la présidence» a précisé le média américain. «Les risques de ce genre de mort non intentionnelle sont faibles», a déclaré Debski, affirmant que Navalny était politiquement «un prisonnier de grande valeur» et que selon lui «tout le monde savait que Poutine était personnellement investi dans son sort». Suite à l’annonce de la mort de Navalny, les autorités polonaises avaient figuré parmi celles ayant eu les mots les plus durs à l’encontre du président russe, estimant ce dernier «responsable» de la mort de l’opposant.
La mort de Navalny est «naturelle», avait estimé le patron du renseignement militaire ukrainien
Un emballement que les autorités russes avaient pointé du doigt. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov avait à l’époque dénoncé des accusations «odieuses», soulignant que l’enquête était «en cours». «Il n’y a pas encore d’examen médico-légal, mais les conclusions de l’Occident sont déjà prêtes», avait fustigé dès le 16 février la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova en réaction au concert d’indignations et d’accusations venu des chancelleries occidentales.
Bien avant le renseignement américain, leur homologue ukrainien avait contredit les partisans de la théorie d’un assassinat commandité par le président russe. «Je vais peut-être vous décevoir, mais nous savons [que Navalny] est mort d'un caillot de sang» avait ainsi déclaré le 25 février Kirill Boudanov, le patron du renseignement militaire ukrainien, difficilement soupçonnable de sympathie pour les autorités russes. «C'est plus ou moins confirmé. Ceci n'est pas tiré d'internet, malheureusement il s’agit d’une [mort] naturelle», avait-il ajouté, dans des déclarations rapportées par un média ukrainien.
Deux jours plus tôt, l’administration Biden avait annoncé une nouvelle salve de sanctions à l’encontre de 500 personnes et organisations en Russie, soit la plus importante depuis l’éclatement du conflit ukrainien.