«Ma clarté est là, c'est mon devoir en tant que chancelier, en tant que chef du gouvernement, de m'exprimer avec précision et de ne pas susciter d'attentes trompeuses», a déclaré le 11 mars Olaf Scholz, lors d’une conférence de presse commune à Berlin avec le Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim, réitérant son refus de livrer des missiles Taurus à l’Ukraine. «Mes réponses sont par conséquent claires», a insisté le chef du gouvernement allemand.
«La participation de soldats allemands est inacceptable, même s'ils se trouvent en dehors de l'Ukraine», a-t-il notamment justifié, soulignant que les Taurus ne pouvaient pas être utilisés sans l'assistance de Berlin. Une ligne et des propos qu’avait déjà tenus le chancelier allemand fin février.
«Ce qui est fait en termes d'acquisition de cible et d'accompagnement d'acquisition de cible de la part des Britanniques et des Français ne peut être fait par l'Allemagne», avait-il déclaré le 26 février, dans des propos rapportés par Associated Press, mettant Paris et Londres dans l’embarras. «Les militaires allemands ne doivent à aucun moment et à aucun endroit être liés aux cibles que ce système frappe», avait-il ajouté.
Le chancelier allemand a également rappelé que son pays demeurait, de loin, le plus gros fournisseur européen d’aide financière et militaire à l’Ukraine. «Au total : les livraisons précédentes et les livraisons promises s'élèvent à environ 28 milliards d'euros», a-t-il déclaré à la presse.
L’opinion allemande de plus en plus défavorable à la livraison de Taurus à Kiev
Le même jour, le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius a aussi écarté l’idée de recourir à une livraison à l’Ukraine de missiles longue portée par le biais d’un «échange circulaire» proposé par le chef de la diplomatie britannique David Cameron.
Dans une interview au Süddeutsche Zeitung, publiée le 9 mars, le ministre britannique des Affaires étrangères avait déclaré vouloir apporter son soutien à Berlin, en proposant d’envoyer davantage de missiles Storm Shadow à l’Ukraine en échange d’un achat par Londres de missiles Taurus.
«Ce serait une option», avait estimé, le lendemain, la cheffe de la diplomatie allemande Annalena Baerbock sur le plateau de la chaine de télévision ARD. «Nous devons examiner de manière approfondie tous les matériaux» qui pourraient contribuer à l’effort de guerre ukrainien, avait déclaré le 4 mars la ministre allemande lors d’un déplacement au Monténégro, n’hésitant pas – comme du temps où la question de la livraison des chars Leopard se posait en Allemagne – à prendre le contre-pied de son chef de gouvernement. «C’est non et c’est ainsi», avait déclaré Olaf Scholz, le même jour, soulignant qu’il était «le chancelier, et cela s'applique donc».
«Les missiles de croisière Taurus sont hors de question pour nous», avait pour sa part déjà déclaré Boris Pistorius dans une interview publiée le 19 janvier, répondant à une question portant sur le fait que l’Allemagne ne tenait pas ses promesses vis-à-vis de l’Ukraine.
D’après un sondage ARD-Deutschlandtrend, publié le 7 mars, 61% des Allemands interrogés sont opposés à la livraison de missiles Taurus à l'Ukraine. Seuls les électeurs du parti Vert (53%) et du Parti libéral-démocrate (50%) se montrent favorables à cette idée. Seuls 29% des sondés se sont montré en faveur de cette livraison, soit un recul de sept points par rapport à la dernière enquête menée au mois d’août.
Missiles Taurus : la CDU/CSU se tourne à nouveau vers le Bundestag
Une opinion publique qui ne semble pas influencer certains législateurs allemands. Au-delà de la pression d’Annalena Baerbock, le groupe parlementaire d’opposition, constitué de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et de l’Union chrétienne-sociale (CSU), va resoumettre cette semaine au Bundestag la question de la livraison à l’Ukraine des missiles Taurus, avait annoncé le 7 mars au Rheinische Post le patron du bloc, Torsten Frei.
«Le Parlement doit prendre les rênes du gouvernement en main», avait-il déclaré au quotidien régional, appelant le gouvernement fédéral à «répondre enfin et immédiatement à la demande de l’Ukraine concernant la fourniture de missiles de croisière Taurus à partir des stocks existants de la Bundeswehr dans le volume maximum possible».
Le débat sur la livraison des missiles Taurus (d’une portée de 500 kilomètres) a ressurgi en Allemagne après la diffusion le 1er mars, par la rédactrice en chef de RT Margarita Simonian, d’un enregistrement de près de 40 minutes dans lequel on peut entendre le général Ingo Gerhartz, chef de la Luftwaffe, et trois autres officiers supérieurs allemands évoquer la livraison de missiles Taurus à l’Ukraine ainsi que le ciblage du pont de Crimée avec ces armes.
Des discussions d'officiers allemands, concernant d'éventuelles frappes sur le territoire russe, au sujet desquelles la Douma a appelé ce 12 mars le Bundestag à enquêter. «Nous percevons cela comme une agression, nous considérons cela comme une menace pour notre sécurité», a déclaré le président de la chambre basse du Parlement russe, Viatcheslav Volodine. «Nous pensons que cela est inacceptable et conduit au déclenchement d'une troisième guerre mondiale à grande échelle, nucléaire, avec toutes les conséquences qui en découlent», a-t-il ajouté.