Les chefs du Mossad israélien David Barnea et de la CIA américaine Bill Burns étaient à Doha pour rencontrer des responsables qataris afin d'évoquer la libération d'otages israéliens en échange d'une «trêve humanitaire», selon de nouvelles informations rapportées à la fois par l'AFP et Reuters.
Il n'est toutefois pas garanti que ces manœuvres réussissent : le 8 novembre, le Premier ministre israélien avait rejeté un cessez-le-feu sans libération des otages, en dépit de rumeurs de négociations. Une source proche du Hamas à Gaza avait alors indiqué à l'AFP que le Qatar menait une médiation pour libérer 12 otages, en échange «d'une trêve humanitaire de trois jours». Et au Qatar, une source proche des discussions avait rapporté que le Qatar menait cette médiation «pour obtenir la libération de 10 à 15 otages en échange d'un cessez-le-feu d'un à deux jours».
Les discussions achoppaient «sur la durée» de la trêve et l'inclusion dans un éventuel accord du «nord de la bande de Gaza, théâtre de larges opérations de combat». «Le Qatar attend une réponse des Israéliens», avait-elle alors ajouté.
Le Qatar finance le Hamas...
Doha a néanmoins déjà joué un rôle crucial dans la libération de quatre d'entre eux en octobre dernier. Aujourd'hui, le petit émirat gazier tente d'obtenir un cessez-le-feu de trois jours en échange de l'évacuation de 12 otages.
Face au conflit à Gaza, le Qatar est l'entremetteur par excellence. En effet, ce pays entretient à la fois des relations avec le Hamas et les Etats-Unis, premier allié de l'Etat hébreu. Doha héberge Ismaïl Haniyeh, le chef du bureau politique du mouvement islamiste gazaoui et Khaled Mechaal, un ancien représentant du parti à l'étranger. Le premier figure notamment depuis 2018 sur la liste américaine des «Terroristes mondiaux expressément désignés» (SDGT). Washington l’accuse spécifiquement d’entretenir «des liens étroits avec l'aile militaire du Hamas» et d’être «un partisan de la lutte armée, y compris contre les civils».
Doha finance également l'enclave gazaouie. En 2021, Israël avait même donné son aval à un financement de 360 millions de dollars pour payer notamment les salaires des fonctionnaires du Hamas, aider des familles démunies et rénover des centrales électriques.
Outre ces subsides et l'hébergement de cadres du parti, le Qatar est devenu le relais médiatique du mouvement islamiste. La chaîne qatarie Al-Jazeera retransmet en direct les discours d'Abou Obeida, le porte-parole des brigades Al-Qassam, et suit en temps et en heure les événements à Gaza.
... et abrite une immense base américaine
Mais Doha abrite également l'énorme base américaine d'Al-Udeid depuis 2002. L'installation permet le déploiement de près de 20 000 soldats, ce qui représente environ la moitié des effectifs de Washington dans la région, rapporte Christian Chesnot dans son ouvrage Qatar, les secrets d'une influence planétaire, paru en 2022. La base héberge également le quartier général du CentCom, le commandement central américain au Moyen-Orient. Les pistes d'Al-Udeid ont par ailleurs été utilisées notamment par les Rafale français pour frapper des positions en Irak et en Syrie.
Malgré l'absence de renormalisation, les deux pays ont par le passé entretenu des relations diplomatiques officielles. Après la visite à Doha du Premier ministre israélien Shimon Peres en 1996, le premier bureau de représentation israélien dans le Golfe ouvrait ses portes à Doha pour défendre les intérêts économiques de l’Etat hébreu. Il a fermé ses portes quatre ans plus tard à la demande de l’Organisation de la coopération islamique.
«Nous disons que trop c'est trop»
Les relations entre le Qatar et Israël se sont maintenues au fil des années, en dépit de certaines tensions apparentes, comme la fermeture du bureau israélien de la chaîne de télévision qatarie Al-Jazeera en 2017. Les Qataris se sont intéressés aux technologies israéliennes, notamment en matière médicale. Quant aux Israéliens, ils ont importé des dérivés de la production pétrolière de l'émirat.
Le 24 octobre dernier, l'émir du Qatar, le cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, s'en était toutefois pris aux pays soutenant excessivement Israël, affirmant que l'Etat hébreu avait reçu «une autorisation pour tuer». «Nous disons que trop c'est trop», avait-il déclaré à l'ouverture d'une session du Majlis al-Choura, le Conseil consultatif de son pays.