Lors d'une conférence de presse le 14 mars en Sibérie orientale à l'occasion de la visite d'une usine d'aviation, le président russe a livré de nouveaux commentaires sur le sabotage du gazoduc Nord Stream reliant la Russie à l'Allemagne à travers la mer Baltique. «Que ce soit un attentat, ce n’est plus un secret, tout le monde l’a déjà reconnu. Un attentat, qui plus est, commis à un niveau gouvernemental, des amateurs étant incapables d'accomplir une opération pareille», a estimé Vladimir Poutine qui a regretté la difficulté pour son pays d'investiguer. «Nous avons du mal à mener notre propre enquête si on ne nous autorise pas à nous rendre sur les lieux de l’attentat», a-t-il déploré, alors que Moscou réclame une enquête internationale indépendante.
Il a toutefois rappelé que comme l’explosion a eu lieu dans la zone économique spéciale danoise, le géant russe Gazprom a reçu des autorités du Danemark l'autorisation d'examiner le lieu de l'explosion et a exploré les environs le long du gazoduc. «À une trentaine de kilomètres, un poteau a été découvert, comme celui qui est installé là où l’explosion s’est produite», a détaillé le chef du Kremlin expliquant que les zones de ces découvertes étaient les parties «les plus vulnérables du gazoduc, ce sont des jonctions de tuyaux». C'est précisément là, selon lui qu'un poteau a été découvert. «Les experts estiment que cela peut être une antenne recevant des signaux destinés à activer un engin explosif qui a peut-être été placé sous le gazoduc», a-t-il ajouté.
La Russie souhaite ainsi obtenir «l’aval des autorités danoises» pour procéder à une inspection, de préférence, «en constituant un groupe international d’experts et de sapeurs capables d'opérer à une telle profondeur», afin de neutraliser si besoin l’engin explosif au cas où il y en aurait un. Pour le moment, la réponse des autorités danoises est encore évasive et «floue», selon le président russe qui semble cependant avoir peu de doute sur l'origine de l'explosion. «Une explosion de ce genre, d'une telle puissance, à une telle profondeur, ne peut être réalisée que par des spécialistes, soutenus par toute la puissance d’un Etat qui dispose de certaines technologies». A la question d'un journaliste qui lui a demandé s'il pensait qu'il s'agissait selon lui d'un pays occidental, Vladimir Poutine a répondu : «Bien évidemment. Il faut toujours chercher ceux qui y trouvent leur compte. Qui cela peut-il intéresser ? Théoriquement, les Etats-Unis, afin d’arrêter l'approvisionnement en énergie russe sur le marché européen et fournir la leur, notamment leur gaz naturel liquéfié, même si celui-ci coûte beaucoup plus cher, de 25 à 30% de plus que le gaz russe».
Le 26 septembre 2022, quatre énormes fuites de gaz précédées d'explosions sous-marines avaient été détectées sur les gazoducs reliant la Russie à l'Allemagne, situés tous deux dans les eaux internationales. Vladimir Poutine avait immédiatement qualifié ces faits d'«acte de terrorisme international». Les pays occidentaux, pour leur part, ont dans un premier temps accusé la Russie d'être responsable de ces explosions. Une mise en cause «prévisible, stupide et absurde» avait balayé la présidence russe. Plusieurs pays européens ont depuis lancé des investigations, sans qu’elles n’aient pu encore déterminer de responsabilité.
En février, le journaliste américain d'investigation Seymour Hersh a écrit que des plongeurs de l'US Navy, aidés par la Norvège, auraient posé en juin des explosifs sur ces gazoducs, déclenchant leur explosion trois mois plus tard. Les Etats-Unis ont qualifié ces informations de «totalement fausses». La Russie et la Chine souhaitent de leur côté l'ouverture d'une enquête internationale indépendante.