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Nord Stream : le New York Times évoque un «groupe pro-Ukraine», Kiev s'éxonère, Moscou met en doute

Citant des sources anonymes du renseignement américain, le New York Times attribue le sabotage de Nord Stream à un «groupe pro-ukrainien». Moscou y voit une tentative de «détourner l'attention». Pas directement visé, Kiev a démenti toute implication.

Un mois après les révélations fracassantes de Seymour Hersh sur le sabotage des gazoducs Nord Stream en mer Baltique, le renseignement américain est cité anonymement dans les colonnes du New York Times le 7 mars, affirmant qu'un «groupe pro-ukrainien» en serait à l'origine.

Le quotidien n'apporte cependant aucun élément tangible à la thèse avancée et ne détaille pas les informations auxquelles le renseignement américain aurait eu accès, pas plus que l'identité de ce «groupe pro-ukrainien».

Selon les responsables américains cités anonymement, il n'y aurait pas d'indication que le président ukrainien Volodymyr Zelensky ait été impliqué dans ce sabotage. Mais le New York Times ajoute que les informations consultées par le renseignement américain laisseraient ouverte la possibilité que l'opération ait été lancée «en secret par une force tierce ayant des liens au sein du gouvernement ukrainien ou ses services de sécurité», bien qu'«aucune conclusion ferme» ne puisse être tirée.

Dans un article distinct, des médias allemands ont affirmé le 7 mars que l'enquête criminelle aurait permis d'identifier le bateau utilisé pour le sabotage. Celui-ci aurait été loué par une société basée en Pologne et «appartenant apparemment à deux Ukrainiens», selon l'hebdomadaire die Zeit ainsi que les chaînes publiques ARD et SWR.

Les enquêteurs auraient déterminé que le commando avait pris la mer depuis le port allemand de Rostock le 6 septembre 2022 et auraient ensuite localisé le bateau près de l'île danoise de Christianso. 

Des traces d'explosifs auraient été détectées «sur la table de la cabine» du bateau restitué non nettoyé à son propriétaire, toujours selon die Zeit. «Même si des pistes mènent à l'Ukraine, les enquêteurs ne sont pas encore parvenus à déterminer qui a mandaté» l'opération, souligne par ailleurs l'hebdomadaire.

Dans un communiqué publié ce 8 mars, le parquet fédéral allemand indique pour sa part avoir «fait fouiller un navire du 18 au 20 janvier 2023», soupçonnant que «le navire en question ait pu être utilisé pour transporter des engins explosifs», ayant servi à faire sauter le 26 septembre 2022 les gazoducs Nord Stream 1 et 2 en mer Baltique.

Kiev dément être derrière le sabotage 

Bien que le gouvernement ukrainien ne soit pas – pour l'heure – formellement visé par la thèse américano-allemande qui se dessine, Kiev a immédiatement éprouvé le besoin de clamer son innocence, démentant ce 8 mars toute implication dans le sabotage.

«Bien que j'aime collecter d'amusantes théories du complot sur le gouvernement ukrainien, je dois dire que l'Ukraine n'a rien à voir avec l'accident de la mer Baltique et n'a aucune information sur des "groupes de sabotage pro-ukrainiens"», a ainsi tweeté Mykhailo Podolyak, conseiller du président Volodymyr Zelensky.

Même son de cloche du côté du ministre ukrainien de la Défense Oleksiï Reznikov, qui interrogé en marge d'une réunion européenne à Stockholm s'est empressé d'affirmer que «cela ne [venait] pas de [leur] action».

Moscou dénonce une tentative de «détourner l'attention»

Par la force des choses, Kiev a trouvé un allié improbable dans cette situation. La Russie a en effet fait savoir le peu de considération qu'elle apportait à cette thèse américano-allemande. Cité par l'agence de presse russe Ria Novosti, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov est monté au créneau : «Manifestement, les auteurs de l’attaque terroriste cherchent à détourner l’attention. Evidemment, c’est une désinformation coordonnée dans les médias.»

Dmitri Peskov a par ailleurs rappelé que la Russie n'était toujours pas autorisée à participer à l'enquête. Et selon lui, Moscou a reçu il y a quelques jours des notes à ce sujet provenant de Copenhague et de Stockholm. «Tout cela n’est pas simplement étrange. Cela sent le crime odieux. Pour le moins, les pays actionnaires des gazoducs Nord Stream et l’ONU doivent exiger en urgence une enquête transparente impliquant ceux qui peuvent faire la lumière», a-t-il poursuivi.

Le 26 septembre 2022, quatre énormes fuites de gaz précédées d'explosions sous-marines avaient été détectées sur les gazoducs reliant la Russie à l'Allemagne, situés tous deux dans les eaux internationales.

Les pays occidentaux ont dans un premier temps accusé la Russie d'être responsable de ces explosions. La Russie a, elle, accusé les «Anglo-Saxons» d'être derrière ce sabotage. En février, le journaliste américain d'investigation Seymour Hersh a écrit que des plongeurs de l'US Navy, aidés par la Norvège, auraient posé en juin des explosifs sur ces gazoducs, déclenchant leur explosion trois mois plus tard.

Les Etats-Unis ont qualifié ces informations de «totalement fausses». La Russie et la Chine souhaitent de leur côté l'ouverture d'une enquête internationale indépendante.