Roald Dahl bientôt «cancel» ? Le Figaro, citant le Daily Telegraph, rapporte ce 19 février que la maison d'édition britannique Puffin, qui publie le défunt auteur gallois, a remplacé certains termes qui «gêneraient les minorités sexuelles ou ethniques» dans ses nouvelles éditions.
Disparaîtraient ainsi l'adjectif «gros» pour un personnage de Charlie et la chocolaterie, remplacé par «énorme». Un personnage féminin du roman Les Deux gredins ne serait désormais plus «laide», mais «bête».
Les relecteurs prendraient aussi la liberté d'ajouter des passages visant à rassurer quiconque serait tout de même choqué par certaines histoires : «Il y a beaucoup d'autres raisons pour lesquelles les femmes pourraient porter des perruques et il n'y a certainement rien de mal à cela», lirait-on à propos de sorcières dans le roman Sacrées sorcières sauce politiquement correct.
Revisiter les œuvres à l'aune d'un certain progressisme
La société qui gère les droits d'auteur de Roald Dahl (décédé en 1990) ne semble pas hostile à ces réécritures, jugeant qu'il n'est «pas inhabituel de revisiter certains éléments de langage à l'occasion de la parution d'une nouvelle édition», disant être attentive à ce que «les histoires, les personnages et l'esprit irrévérencieux du texte original» soient respectés, selon le Daily Mail, cité par Le Figaro.
L'initiative ne fait pourtant pas l'unanimité dans la sphère anglophone. L'écrivain américano-britannique d'origine indienne Salman Rushdie a critiqué cette réécriture sur Twitter. «Roald Dahl n'était pas un ange mais c'est une censure absurde. Puffin Books et la succession Dahl devraient avoir honte», a-t-il commenté.
Par la formule «pas un ange», Salman Rushdie fait potentiellement référence à la position radicalement anti-israélienne de Roald Dahl, qui l'a même conduit à se revendiquer comme «antisémite» à la fin de sa vie. Plusieurs propos ouvertement antisémites de l'écrivain ont suscité un tollé de son vivant et en 2020, sa famille a présenté ses excuses à ce sujet. L'écrivain a par ailleurs été accusé de racisme pour avoir dépeint ses Oompa Loompa de Charlie et la chocolaterie en Pygmées africains, avant qu'ils ne soient modifiés dans les éditions suivantes en personnages intégralement fictifs.
Ce n'est pas la première œuvre à faire les frais d'un relooking progressiste : en 2020, la débaptisation de la version française du roman d'Agatha Christie Dix petits nègres (Ten Little Niggers en anglais dans la première édition du livre en 1939) en Ils étaient dix avait suscité un débat public. Récemment, c'est le jeu Scrabble qui a été expurgé des mots tels que boche», «chicano», «gogol», «goudou», «nègre», «poufiasse», «tantouse» ou encore «travelo», jugés discriminatoires.