La mort de Qassem Soleimani demeure encore dans de nombreux esprits en Iran et dans la région. Trois ans après son assassinat par un drone américain à la sortie de l'aéroport international de Bagdad le 3 janvier 2020, de nombreux officiels en Iran et dans les pays alentours ont rendu hommage au général alors chef de la Force al-Qods (branche des Gardiens de la Révolution chargée des opérations extérieures). Des rassemblements populaires ont également eu lieu en Iran et en Irak voisine.
Le président iranien, Ebrahim Raïssi, présent le 3 janvier lors d'un hommage a Qassem Soleimani organisé dans la plus grande salle de prière de Téhéran, a averti les «meurtriers et organisateurs» de l'opération le visant que «la vengeance du sang du martyr Soleimani» était «certaine et que ceux qui ont perpétré le meurtre ne trouveront pas le sommeil facilement». «Nous n'avons pas oublié et n'oublierons pas le sang du martyr Soleimani», a-t-il rappelé.
Recevant le 1er janvier la famille du défunt, le Guide suprême de la révolution iranienne, Ali Khamenei, a déclaré : «Le général Soleimani était courageux, fidèle, responsable & intelligent.»
«Le martyr Soleimani a insufflé un nouvel esprit au Front de la Résistance. Par le renforcement matériel et spirituel de la Résistance, il a préservé, équipé & ravivé ce phénomène éternel & croissant contre le régime sioniste et l'influence des Etats-Unis & d'autres arrogants», a-t-il encore tempêté.
Il a enfin souligné les opérations antiterroristes menées par l'ancien chef de la brigade al-Qods, notamment contre Daesh : «Arrêter le problème grave qu’était [Daesh] et saper bon nombre de ses racines, était l'une des tâches importantes du général Soleimani.»
De son côté, le ministère iranien des Affaires étrangères a mis en ligne un communiqué, le 2 janvier, expliquant : «Le général martyr Soleimani a joué un rôle dans le cadre des politiques stratégiques de la République islamique d'Iran pour l'établissement de la paix et de la stabilité régionales et internationales [...] pour faire face au terrorisme international.» Il a également qualifié l'opération américaine visant Qassem Soleimani de «terroriste» et mis en lumière, selon lui, la «responsabilité internationale définitive» des Etats-Unis dans «ce crime».
Le ministre iranien de la Défense, Mohammad Reza Ashtiani, a lui publié un message, rapporté par l'agence de presse publique Tasnim le 3 janvier, dans lequel il a martelé que la vengeance était «toujours à l'ordre du jour des forces armées». «Tous ceux qui sont impliqués, planificateurs et auteurs, dans l'assassinat du martyr recevront leur punition à un moment et à un endroit qui ne leur viennent pas à l'esprit», a-t-il fait valoir.
De nombreux Iraniens se sont rassemblés au cimetière des martyrs de Kerman pour se recueillir sur le monument à la mémoire de Qassem Soleimani.
L'Iran dénombre «94 accusés américains» dans l'affaire de l'assassinat de Soleimani
Les officiels iraniens ont également profité de l'occasion pour faire un point sur l'enquête en cours concernant la mort du général. Cité par l'agence de presse publique IRNA le 2 janvier, Kazem Gharibabadi, adjoint des affaires internationales du Pouvoir judiciaire et secrétaire du Haut Conseil iranien des droits de l’homme a annoncé que «cette affaire» comptait «94 accusés américains» parmi lesquels Donald Trump (alors président des Etats-Unis), Mike Pompeo (secrétaire d'Etat) et Kenneth McKenzie (à la tête du Commandement central des Etats-Unis).
«Deux dossiers criminels sont ouverts dans le système judiciaire irakien et iranien pour faire face à ce crime», a-t-il ajouté, précisant avoir «mis en place une commission d'enquête conjointe entre les organes judiciaires des deux pays» et que «trois séries de réunions de cette commission [avaient] eu lieu à Bagdad et à Téhéran», notant qu'une quatrième était prévue «au début de la semaine prochaine à Téhéran».
De son côté, s'exprimant lors d’une réunion concernant la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme, Ali Kadkhodaï, le chef du comité de suivi juridique sur l'assassinat du général Soleimani, a fait savoir, cité par l'agence publique ISNA le 31 décembre, que l'acte d'inculpation approchait «les étapes finales» et a déclaré espérer «qu'il aboutira à de bons résultats».
Lors d'une cérémonie d'hommage à Qassem Soleimani organisée le 2 janvier, le ministre iranien des Affaires étrangères, Amir Abdollahian, cité par IRNA, a affirmé que cette enquête était un «devoir inhérent de l’appareil diplomatique» iranien. Il a, d'après lui, informé «la partie américaine de certaines des mesures juridiques» par l'intermédiaire de l'ambassade de Suisse qui sert de bureau de représentation des intérêts américain sur le sol iranien
Des hommages de l'Irak à Gaza en passant par le Liban
Si le général Qassem Soleimani a laissé une trace indélébile dans son pays, il a aussi été honoré dans plusieurs pays du Moyen-Orient. En Irak, lors d'une cérémonie organisée le 2 janvier, et rapportée par le site de la chaîne Al Mayadeen, Faleh Al-Fayyad, le chef des Hachd al-Chaabi, une coalition de milices paramilitaires favorables à Téhéran, créée pour lutter contre les djihadistes, et désormais intégrée aux forces de sécurité irakiennes, a rendu hommage au général et dénoncé un assassinat «orchestré par l'ancien président américain Donald Trump». Des veillées ont également eu lieu dans plusieurs villes irakiennes comme à Bagdad, où des milliers de personnes se sont réunies.
De son côté, le Secrétaire général adjoint du Hezbollah libanais, Naim Qassem, a prévenu dans un message sur Twitter mis en ligne le 2 janvier : «La confrontation ne s'arrêtera pas ; Soleimani est un martyr, un leader et un Guide, il a libéré les zones occupées sur le terrain. C’est un être très cher. Il porte en lui la boussole de la Palestine.»
Une cérémonie a également été organisée par le Hezbollah le 2 janvier dans la ville de Sidon, au sud du Liban.
A Gaza, le mouvement du Djihad islamique palestinien, proche de Téhéran, a lui aussi tenu à rendre hommage au général iranien. Le chef du groupe islamiste, Daoud Shehab, a indiqué, le 2 janvier, cité par le site Al-Ahed News (appartenant au Hezbollah), que «le martyr Soleimani [était] une méthode et un esprit qui traversent le corps de tous les combattants le long de l'axe de la résistance».
Un assassinat qui avait mis le feu aux poudres
Pour rappel, le 2 janvier 2020, Qassem Soleimani, le chef de la Force al-Qods arrive à Damas avec l'intention de se rendre à Beyrouth pour rencontrer son ami Hassan Nasrallah, le Secrétaire général du Hezbolla. Après leur entrevue, Qassem Soleimani reprend la route en direction de la capitale syrienne où il prend un vol en direction de Bagdad. L’avion se pose à 00h32.
Sur place, il est accueilli par le numéro deux des Hachd al-Chaabi, Abou Mehdi al-Mouhandis, qui lui avait prêté allégeance quelques mois plus tôt. Il montent tous deux dans un véhicule de la marque Toyota qui est détruit à 00h45 par un un drone américain MQ-9 Reaper à l'aide d'un missile de type Hellfire. Ils trouvent tous deux la mort dans cette opération.
En représailles, quelques jours plus tard, le 8 janvier, les forces iraniennes visent plusieurs bases abritant des soldats américains en Irak comme celles d'Aïn al-Assad ou d'Erbil, faisant plusieurs dizaines de blessés du côté des forces étasuniennes, selon le Pentagone.
L'assassinat de Qassem Soleimani produit une onde de choc dans le monde entier et menace de déstabiliser une région du monde alors au bord de l'embrasement. Car au-delà d'être un simple officier, l'influent militaire a multiplié les faits d'armes tout au long de sa carrière, se construisant une image de résistant, principalement face aux Etats-Unis et à l'Etat hébreu.
«L'axe de la résistance» : le leg de Soleimani
Au lendemain de l'avènement de la République islamique iranienne en 1979, Téhéran s'érige en puissance s'opposant aux intérêts américains et israéliens dans la région. Le militaire iranien passe sa vie à consolider un «axe de la résistance» avec des alliances hétérogènes au Yémen, en Irak, en Syrie, au Liban et en Palestine.
Son premier coup d'éclat remonte aux années 1980 lors de la guerre Iran Irak. Qassem Soleimani est envoyé sur le front Sud avant de combattre les groupes indépendantistes sunnites arabes dans le Khouzestan. Le général gravit les échelons de l'armée jusqu'à être nommé à la tête de la Force al-Qods en 1998. C'est au Liban qu'il va acquérir ses lettres de noblesses lors du conflit dit de «33 jours» contre Israël en 2006.
Mais c'est véritablement le conflit syrien qui va mettre en lumière les capacités opérationnelles du général iranien. Après s'être rendu une première fois à Homs, il est envoyé en 2012 avec plusieurs conseillers militaires pour aider les troupes de Bachar el-Assad.
Face aux difficultés accrues sur le terrain et ce, malgré le renfort du Hezbollah à partir de 2013 le long de la frontière syro-libanaise, Qassem Soleimani se rend à Moscou en 2015 pour convaincre la Russie d'intervenir en Syrie. Enfin, dans le sillage du conflit contre Daesh, il participe activement à la formation de deux milices chiites au Pakistan (Liwa Zainebiyoun) et en Afghanistan (Division des Fatimides).
En l'assassinant, Washington ne s'attendait sûrement pas à ce qu'il devienne une telle icône. Son successeur, Esmaïl Ghani, a longtemps été son adjoint en l'accompagnant sur les différents théâtres d'opérations des forces iraniennes. Alors que Qassem Soleimani s'occupait majoritairement de l'Irak et de la Syrie, Esmaïl Ghani se focalisait davantage sur l'Afghanistan et le Pakistan. Depuis 2012, il est dans le viseur de Washington. Des sanctions ont gelé ses avoirs à l'étranger et l'ont empêché de faire des transactions avec des entités américaines. Lors de son hommage à Qassem Soleimani, Ali Khamenei a d'ailleurs assuré que Esmaïl Ghani avait réussi à «combler le vide [laissé par le] défunt général».