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Les étranges demandes du FBI auprès de Twitter à propos de la «propagande étrangère»

Selon le journaliste Matt Taibbi, l'agence fédérale avait demandé des «clarifications» aux équipes du réseau social, suggérant qu'elles sous-estimaient les tentatives d'ingérence extérieure, suscitant ainsi l'embarras en interne.

Selon les dernières révélations du journaliste Matt Taibbi dans la saga des «Twitter Files», mises en ligne le 18 décembre, le FBI aurait mis l'entreprise sur le grill en 2020 au sujet d'une soi-disant influence étrangère à l’œuvre sur la plateforme, après que cette dernière a expliqué ne pas avoir constaté qu'il s'agissait d'un problème majeur.

Selon les échanges internes relayés par le journaliste, un agent du bureau aurait ainsi averti l'ancien responsable de la sécurité de Twitter, Yoel Roth, en juillet 2020, de s'attendre à des questions écrites de la part de la task force dédiée aux cybermenaces étrangères, ajoutant que la communauté du renseignement s’apprêtait à demander des «clarifications» à l'entreprise.

Le FBI a ensuite envoyé une liste de questions détaillées après que Twitter a indiqué ne pas avoir observé une activité particulièrement nourrie de la part «d'acteurs de la propagande officielle», en allusion à des comptes soutenus ou alimentés par des Etats tels que la Russie ou la Chine.

A la fin de la lettre réclamant des explications détaillées sur les comptes surveillés et les instruments de mesure employés par l’entreprise, le FBI joignait des références à plusieurs articles de presse concernant des campagnes de «propagande» russe et chinoise sur les médias sociaux, s'appuyant sur ces derniers pour suggérer que Twitter n’identifiait pas le problème correctement. Parmi eux, un article du Wall Street Journal de 2017 s'inquiétant de l'influence de RT, renvoyant lui-même aux analyses du renseignement américain.

Postulats «erronés» et incompréhension fondamentale de la communauté du renseignement

A la lecture dudit questionnaire, partagé avec d’autres cadres de Twitter, Yoel Roth s’était dit «franchement perplexe face à ces demandes, qui ressemblent plus à quelque chose que nous recevrions d'une commission du Congrès que du Bureau», selon les captures d'écran publiées par Matt Taibbi.

L'ancien responsable de la sécurité a ajouté qu'il ne se sentait «pas particulièrement à l'aise» avec les demandes du FBI, jugeant même les postulats de l’agence fédérale «erronés» et évoquant une incompréhension fondamentale, par la communauté du renseignement, de la position de Twitter en matière de désinformation. «Nous avons été clairs sur le fait que la propagande d'Etat officielle existe bel et bien sur Twitter», écrivait alors Yoel Roth à ses collègues, tout en suggérant de contacter le FBI dès que possible pour clarifier la situation.

Ces discussions ont eu lieu alors qu’une série de responsables et de médias américains s’alarmaient de tentatives supposées d’ingérence étrangère – Russie en tête – dans la campagne électorale présidentielle américaine de 2020 et de la diffusion de soi-disant «fausses informations» liées à la pandémie de Covid-19.

Réagissant aux révélations de Matt Taibbi, le FBI a fait valoir qu'il échangeait régulièrement avec des entités privées afin d'obtenir des informations sur les activités «subversives» ou «secrètes» d'agents étrangers «malveillants», en leur laissant en dernier ressort le soin de prendre leurs propres décisions. «C'est peut-être vrai», a commenté le journaliste, précisant ne pas avoir encore repéré ces éléments dans les documents étudiés à ce stade de ses investigations.

L'avant-dernier volet des révélations sur le fonctionnement du réseau social, le 16 décembre, avait déjà montré que les équipes de Twitter étaient régulièrement confrontées à des demandes plus ou moins pertinentes du monde du renseignement, quitte à ce que certaines créent la confusion au sein de la société. Matt Taibbi avait évoqué, à propos des liens entre Twitter et le FBI, «un contact constant et omniprésent», l'agence fédérale traitant l'entreprise «comme s'il s'agissait d'une filiale» selon ses mots.

Entamée début décembre, la publication de documents internes à Twitter – les «Twitter files» – retraçant en particulier des échanges d'e-mails entre employés et responsables politiques, doit se poursuivre.