Confirmant une annonce faite par les autorités turques le 31 juillet, un premier navire chargé de céréales ukrainiennes a pu quitter le port d'Odessa le 1er août. «Le navire Razoni a quitté le port d'Odessa à destination du port de Tripoli au Liban. Il est attendu le 2 août à Istanbul. Il continuera sa route vers sa destination à la suite des inspections qui seront menées à Istanbul», a indiqué le ministère turc de la Défense. D'autres convois vont suivre, en respectant «le couloir [maritime] et les formalités convenues», a ajouté le ministère. D'après le ministère ukrainien de l'Infrastructure, le bateau est chargé d'environ 26 000 tonnes de maïs.
Il s'agit de la première application de l'accord signé le 22 juillet à Istanbul entre des représentants de la Russie, de l'Ukraine, de la Turquie et des Nations unies visant à permettre la reprise des exportations ukrainiennes sous supervision internationale, tandis qu'un accord similaire signé simultanément garantit à Moscou l'exportation de ses produits agricoles et de ses engrais, malgré les sanctions occidentales. Ces deux accords doivent permettre d'atténuer une crise alimentaire mondiale qui a vu les prix monter en flèche dans certains des pays les plus pauvres au monde.
Le Kremlin salue une opportunité de tester la solidité de l'accord céréalier
Le départ de ce bateau du port d'Odessa est «très positif», a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, y voyant «une bonne opportunité de tester l'efficacité» de l'accord d'Istanbul. «Espérons que les accords seront appliqués par toutes les parties et que les mécanismes fonctionneront efficacement», a-t-il ajouté. Selon les termes de l'accord céréalier, les navires et leur chargement doivent être inspectés à Istanbul, sous l'autorité du Centre de coordination conjointe (CCC). Ce centre, chargé du contrôle des exportations de céréales ukrainiennes via la mer Noire, a été inauguré le 27 juillet à Istanbul, et associe des représentants de Moscou et de Kiev, ainsi que de la Turquie et des Nations unies.
Le CCC a pour tâches, selon l'accord, de valider et suivre les navires marchands qui participeront aux convois, assurer leur suivi via internet et par satellite, inspecter les bateaux au moment du chargement dans les ports ukrainiens et à leur arrivée dans les ports turcs.
Kiev et l'ONU espèrent que d'autres départs suivront, l'UE et l'OTAN demandent une «mise en œuvre totale» de l'accord
Le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba a pour sa part évoqué «une journée de soulagement pour le monde, en particulier pour nos amis du Moyen-Orient, d'Asie et d'Afrique». «L’Ukraine a toujours été un partenaire fiable et le restera si la Russie respecte sa part de l’accord», a-t-il ajouté sur Twitter. Selon lui, 16 autres bateaux chargés de céréales «attendent leur tour» pour quitter Odessa.
De son côté, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a «chaleureusement» salué le départ du premier bateau convoyant des céréales ukrainiennes, a indiqué un porte-parole. «Le Secrétaire général espère que ce sera le premier de nombreux navires commerciaux conformément à l'accord signé, et que cela apportera la stabilité et l'aide indispensables à la sécurité alimentaire mondiale, en particulier dans les contextes humanitaires les plus fragiles», a déclaré l’organisation internationale dans un communiqué.
L'Union européenne a elle aussi salué le départ du Razoni et demandé la «mise en œuvre totale» de l'accord conclu à Istanbul pour la reprise des exportations ukrainiennes, a annoncé le porte-parole du chef de la diplomatie Josep Borrell. «Il s'agit d'une première étape très importante et bienvenue, et nous attendons avec impatience la mise en œuvre de l'ensemble de l'accord et la reprise des exportations ukrainiennes vers les clients du monde entier affectés par la crise alimentaire», a précisé Peter Stano.
Le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg a pour sa part remercié la Turquie pour le «rôle central» joué dans la conclusion de cet accord. «Les alliés de l'OTAN soutiennent fermement la mise en œuvre intégrale de l'accord visant à atténuer la crise alimentaire mondiale causée par la guerre de la Russie en Ukraine», a-t-il souligné dans un message publié sur Twitter.
L'accord du 22 juillet doit permettre d'exporter entre 20 et 25 millions de tonnes de grain bloquées en Ukraine. L'opération militaire russe dans le pays, alors que les deux nations assurent notamment 30% des exportations mondiales de blé, a conduit à une flambée des cours des céréales et des huiles, frappant durement le continent africain, très dépendant de ces pays pour son approvisionnement. Cette hausse des cours est venue aggraver la situation de pays déjà confrontés à une crise alimentaire, notamment dans la Corne de l'Afrique (Kenya, Ethiopie, Somalie, Djibouti) qui connaît sa pire sécheresse depuis 40 ans. L'Union africaine (UA) s'était d'ailleurs «félicitée» de l'accord permettant de débloquer les exportations de céréales, évoquant un «développement bienvenu» pour le continent qui fait face à un risque accru de famine.
Les responsables russes ont souligné à plusieurs reprises que certaines politiques économiques menées en Occident, ainsi que les sanctions adoptées à l'encontre de Moscou, expliquaient aussi la mauvaise situation du marché alimentaire mondial. Le président de l'UA, Macky Sall, avait exprimé un point de vue similaire lors de sa visite à Moscou début juin 2022.