Quelles sont les intentions inavouées d'Elon Musk avec le rachat de Twitter ? Dans une chronique parue dans Les Echos et publiée sur son blog le 6 mai, Jacques Attali s'est livré à un nouvel exercice de prospective quant à l'avenir de l'économie et de la politique mondiales. Selon l'éditorialiste, le milliardaire pourrait en effet décider, au-delà de sa volonté d'assouplir la modération des contenus, de mettre le réseau social au service d'un éventuel retour de l'ancien président américain Donald Trump.
Aller beaucoup plus loin dans le droit à crier sa haine, à mentir, à propager des fausses nouvelles
D'après les mots de Jacques Attali, le PDG de Tesla ne se contentera pas de défendre la liberté d'expression, mais «veut aller beaucoup plus loin dans le droit à crier sa haine, à mentir, à propager des fausses nouvelles», le tout «sans aucune vérification du vrai». La transformation du réseau social affectera aussi sa gratuité, selon le chroniqueur, qui affirme que «Twitter, sous le règne de Musk, cessera d'être le grand média gratuit et universel qu'il est aujourd'hui pour devenir un média commercial, où beaucoup devront payer pour avoir le droit de s'y informer et celui d'y écrire». Dans un tweet du 4 mai, le milliardaire a pour sa part assuré que le réseau resterait gratuit pour l'utilisateur de base, mais qu'il pourrait être payant pour les entreprises et les gouvernements.
Un projet des libertariens associés aux conservateurs ?
«Twitter jusqu'ici n'est pas parfait, loin de là, et la suppression du compte de Donald Trump était un acte arbitraire, sans aucune justification démocratique», concède Jacques Attali, qui omet les propos de l'ancien président américain – qui a lancé son propre réseau – selon lesquels il ne reviendrait pas sur ce réseau social, restant prudent face aux changements que pourrait apporter Elon Musk.
Surtout, «bien des gens, et pas seulement parmi les dirigeants démocrates», avance sans plus de précisions Jacques Attali, «voient la main des Républicains derrière cette transaction, qui serait avant tout une manœuvre de politique intérieure américaine pour mettre ce média planétaire au service du parti et de Donald Trump». Un retour de l'ancien président représenterait une grave menace pour les Européens, selon l'éditorialiste : «Imagine-t-on ce président, dominant de nouveau son réseau préféré, prenant en tout le contrepied de Joe Biden, [...] retirant les troupes américaines d'Europe et laissant les Européens de l'Ouest seuls face à leurs voisins ?», s'est-il alarmé, évoquant sans la nommer la Russie.
Afin de conjurer ce péril d'un Twitter qui serait placé sous une coupe conservatrice, Jacques Attali préconise la création «d'autres réseaux de même nature» qui seraient aussi puissants. Selon lui, l'Union européenne devrait quant à elle réclamer que Twitter, ainsi que les autres grands réseaux, «soit considéré comme un bien public mondial, ou au moins obéisse à des règles mondiales», et militer pour une «gouvernance mondiale» permettant d'éviter ce genre d'opérations financières, au profit de la vaccination ou de l'écologie.
Les craintes exprimées par le chroniqueur ont fait réagir plusieurs personnalités, dont le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan : «Jacques Attali est traumatisé que Twitter ne soit plus cadenassé par la pensée unique : il verse dans le complotisme le plus total !», a-t-il ironisé.
Parmi les nombreuses réactions au rachat de Twitter dans le monde anglo-saxon, 26 ONG ont publié, le 3 mai une lettre ouverte appelant les annonceurs publicitaires à ne plus utiliser le support Twitter, les mettant en garde contre le risque de coexister avec des «fausses nouvelles» ou des «théories du complot». Elon Musk a répliqué sur Twitter, en citant le Daily Mail qui a évoqué le financement desdites associations, qui proviendrait de la fondation de Georges Soros, de celle de Bill Gates ou encore de riches donateurs démocrates.