Les travaux des commissions d'enquête du Sénat relèvent-ils du complotisme ? Au cours d'un débat sur TF1 le 27 mars l'opposant au président du RN par intérim Jordan Bardella, Gabriel Attal a répondu à l'accusation d'avoir dilapidé l'argent public en ayant abusivement recours au cabinet de conseil McKinsey en utilisant l'argument du «complotisme». «C'est un classique de l'extrême droite que toujours essayer de faire partir le débat sur autre chose, avec du complotisme [...]. Il y a toujours eu un recours, en France comme dans tous les pays du monde, aux cabinets de conseil», a argumenté Gabriel Attal, avant d'évoquer le cas du recours à une société de conseil par la mairie de Perpignan, dirigée par le RN. Dans une autre interview le 27 mars, Jordan Bardella avait qualifié cette affaire de «véritable scandale d'Etat».
Le 27 mars également, le président-candidat Emmanuel Macron a lui aussi répondu, visiblement agacé, à une question sur le fait que McKinsey n'a pas payé d'impôts en France et sur la proximité de ses dirigeants avec l'Elysée, sur France 3. «On a l'impression qu'il y a des combines : c'est faux !», a martelé Emmanuel Macron, invitant «quiconque a la preuve qu'il y a une manipulation» à aller «au pénal», mettant en avant le respect des règles encadrant l'attribution des marchés publics. Une sortie qui n'est pas sans rappeler l'affaire Benalla, lorsque le président avait invité ses opposants à «venir le chercher».
Lors d'un débat sur France 2 le 26 mars, le ministre de la Santé Olivier Véran a lui été confronté aux attaques d'Adrien Quatennens (La France Insoumise) sur le sujet, le député mettant notamment en cause la «République des copains» à travers la proximité entre les dirigeants de McKinsey et Emmanuel Macron.
L'affaire McKinsey – ou le «McKinseyGate» – trouve sa source dans les travaux d'une commission d’enquête du Sénat consacrée à l’influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques, commission dirigée par un membre des Républicains (Arnaud Bazin) et une communiste (Eliane Assassi).
Cette commission a mis en lumière un «phénomène tentaculaire» et le coût très élevé des prestations des cabinets de conseil, au premier rang desquels McKinsey, pour des productions et travaux jugés très peu consistants : ainsi, un rapport sur les évolutions du métier d'enseignant a été facturé pour près de 500 000 euros, rapport dont le ministère a admis «qu'il n'est pas possible de déterminer les conséquences directes», relève Le Figaro. En outre, le Sénat a constaté que malgré un chiffre d'affaires de plus de 300 millions d'euros en 2020, «le cabinet n'aurait versé aucun impôt sur les sociétés de 2011 à 2020», pointant du doigt «un exemple caricatural d'optimisation fiscale».
Arnaud Bazin avait indiqué le 17 mars que la chambre haute du Parlement allait saisir le procureur de la justice pour une «suspicion de faux témoignage», après des déclarations de Karim Tadjeddine, directeur associé de McKinsey France, selon lesquelles le cabinet se serait bien acquitté de ses obligations fiscales, saisine qui a été effectuée le 25 mars. Comme le rappelle Public Sénat, le fait d'avoir menti devant une commission d'enquête est également appelé «parjure», une infraction passible de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
L'affaire McKinsey, embarrasse le gouvernement à quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle, alors que le président sortant met en avant son intention de maîtriser les comptes publics pour un éventuel deuxième quinquennat et propose, entre autres mesures, de reporter l'âge de départ à la retraite à 65 ans. Parmi les prestations au cœur de la polémique figure d'ailleurs une mission menée par McKinsey auprès de la Caisse nationale d'assurance-vieillesse, note Le Monde : une douzaine de consultants avait accompagné la CNAV fin 2019, dans le cadre de la réforme des retraites promise par Emmanuel Macron, mais, d'après Eliane Assassi, cette intervention, qui a coûté environ 950 000 euros, a eu pour «seules traces tangibles un PowerPoint et un carnet de 50 pages».