Ce n'est pas un secret. Depuis 2017, le gouvernement a régulièrement fait appel à des cabinets de conseil pour mener à bien des réformes souhaitées par Emmanuel Macron. Si ce dernier dit «assumer», cette stratégie fait polémique, notamment en raison du coût qu'elle induit pour les finances de l'Etat, mais aussi de l'influence grandissante des cabinets de conseil privés sur la décision publique.
Le 17 mars, la commission d'enquête du Sénat a publié un rapport explosif dans lequel elle dénonce l'influence disproportionnée des cabinets de conseil sur le gouvernement. Dans son rapport, la commission décrit un «phénomène tentaculaire», au coût croissant pour les finances publiques. Pis encore, elle accuse de surcroît les entités françaises de McKinsey d’optimisation fiscale, de telle sorte qu'elles n'auraient versé aucun impôt sur les sociétés entre 2011 et 2020.
En 2021, le site d'information Politico avait mis en lumière le rôle du cabinet de conseil américain dans la mise en œuvre de la stratégie vaccinale en France. C'est donc tout naturellement que la journaliste de Politico, Pauline de Saint-Rémy, a interrogé le président-candidat sur les conclusions du rapport sénatorial alors qu'il présentait son projet présidentiel devant un parterre de journalistes le 17 mars à Aubervilliers (l'extrait se trouve à 2:45:41).
En guise de réponse, le président a relativisé le phénomène :«Il y a eu une augmentation dans les phases de crise, je crois que c’est ce que décrit le Sénat, mais il y a aussi une baisse ensuite de plus de 15 % sur l’année qui a suivi sous ce quinquennat, ce qui montre aussi une procédure de refroidissement ou de normalisation. […] Donc, je l’assume et je pense que ce n’est pas une fatalité d’augmenter.»
Selon le Président, le recours croissant aux cabinets de conseil s'expliquerait donc par le contexte de la crise sanitaire. Toujours selon lui, les dépenses liées aux missions confiées par le gouvernement au privé aurait connu une baisse de 15 % «sur l’année qui a suivi» la pandémie. Sauf que comme le démontre Le Monde dans son édition du 21 mars, les affirmations d'Emmanuel Macron sont en réalité erronées.
La dépense publique liée aux missions assurées par les cabinets de conseil a progressé entre 2018 et 2019
Selon Le Monde, qui exploite dans sa démonstration les chiffres établis par le Sénat (lui-même alimenté par le ministère du Budget), le recours gouvernemental aux cabinets de conseil précède la crise sanitaire. Entre 2018 et 2019, les dépenses pour les missions à forte dimension stratégique ont ainsi augmenté de 48,2%. Elles ont continué de progresser pour atteindre un niveau record en 2021 (445,6 millions d'euros).
La baisse de 15% à laquelle Emmanuel Macron fait référence n'est en réalité qu'une projection sur les niveaux de dépenses attendus en 2022. En effet, face aux critiques portant sur le recours aux cabinets de conseil privés, Jean Castex avait publié le 19 janvier dernier une circulaire pour encadrer le recours aux «prestations intellectuelles» et ainsi réduire les dépenses de conseil de 15% pour l’année 2022.
Sauf que comme le rappelle Le Monde, cette directive n'est pas contraignante et n'inclut pas les dépenses de conseil liées aux projets informatiques, qui représentent environ la moitié du total. Par conséquent, et contrairement à ce qu’affirme Emmanuel Macron, cette baisse des dépenses – si elle a lieu – n’est pas encore actée. Il faudra attendre la conclusion de l’exercice budgétaire pour vérifier si l'objectif fixé par le premier ministre a bien été respecté par les pouvoirs publics. Exercice budgétaire dont rien ne permet de garantir qu’il sera assuré par le même gouvernement sur les sept derniers mois de l’année, dans la mesure où 2022 se trouve être une année d’élection présidentielle.
Des révélations qui ont engendré de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux
Sans surprise, les révélations du Sénat et de l'article du Monde ont provoqué de vives réactions sur les réseaux sociaux. Les conclusions avancées par la commission d'enquête ont donné naissance au hashtag #McKinseyGate qui tourne sur les réseaux sociaux et plus particulièrement sur Twitter.
«Les grands médias refusent d’ouvrir le débat crucial du #McKinseyGate ! Évidemment car ça fragiliserait LREM et Macron ! Notre pays est vraiment devenu une caricature de république bananière !», a ainsi tweeté Florian Philippot.
Même son de cloche chez Alexis Corbière pour qui «le #McKinseyGate est une affaire qui devrait être instruite par la Justice». «Ils ont menti devant le Sénat : ils ne payent pas d’impôts en France. C’est un scandale. Ces cabinets privés sont des parasites pour l’Etat», a-t-il lancé.
Le journaliste Eric Revel, lui va même plus loin, se demandant si ces révélations ne seraient pas de nature à faire «prendre un nouveau virage» à la campagne présidentielle. Un virage qui semble donc dans son esprit s’apparenter à une sortie de route pour le président-candidat.