La reconnaissance de l'indépendance des Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk par Vladimir Poutine le 21 février a été abondamment commentée par la classe politique française, à commencer par les candidats à l'élection présidentielle. S'ils se sont tous accordés pour s'inquiéter de l'escalade des tensions dans l'est de l'Europe, ils ont développé des visions assez contrastées des suites à donner et notamment du rôle que doit jouer la France dans ce dossier.
Condamnations et appels à des sanctions européennes immédiates
Du côté des condamnations sans appel des décisions russes, la candidate des Républicains Valérie Pécresse a blâmé, sur France Inter, une «violation du droit international» de la part de la Russie, appelant à des «sanctions fermes» de la part de l'Union européenne. «Vladimir Poutine a manipulé l'Europe et instrumentalisé son dialogue avec Emmanuel Macron», a cinglé la candidate, reprochant au président en exercice d'avoir mené un dialogue «trop tardif et solitaire» avec son homologue russe.
A l'inverse, François Bayrou a salué l'action diplomatique d'Emmanuel Macron. «Depuis des années, il y a des pressions de Poutine et face à celles-ci, seul le Président de la France résiste, sans céder d'un pas et en laissant la porte ouverte à la paix», s'est-il félicité, en dépit des faibles résultats obtenus.
Sur le registre de la condamnation également, l'écologiste Yannick Jadot a qualifié l’entrée de l’armée russe «sur le territoire de l’Ukraine» de «grave violation du droit» et de «menace pour tout.es les Européen.nes», appelant à des sanctions contre les «responsables» qui pourraient porter sur des avoirs financiers.
«La Russie choisit la force et le fait accompli. Nous faisons face à un péril grave», s'est alarmée Christiane Taubira, pour qui «la solidarité des Etats européens avec l’Ukraine ne doit pas faillir», tout en continuant à rechercher des solutions diplomatiques.
Même tonalité chez la socialiste Anne Hidalgo, qui a dénoncé une «décision unilatérale de Vladimir Poutine», constitutive d'«une violation du droit international et de la souveraineté de l’Ukraine». «La France et l’Europe doivent être solidaires, unies et fermes face à cette menace contre la paix en Europe», a jugé la maire de Paris.
L'ancien président de la République François Hollande – qui avait négocié les accords de Minsk avec Moscou en 2014 – interviewé sur BFM TV ce 22 février, a eu des propos très fermes à l'égard de Vladimir Poutine. Celui-ci ne «comprend que le rapport de forces», a estimé François Hollande. «Après l'humiliation de la fin de l'Union soviétique, il veut retrouver l'Empire» en replaçant l'Ukraine dans le giron russe, a-t-il commenté.
Critique de la diplomatie d'Emmanuel Macron, François Hollande a plaidé pour une réaction musclée de l'Occident face à la Russie, qui selon lui compterait exploiter le moindre signe de faiblesse : «Ce qui compte, c'est la robustesse, la consistance de nos positions», a-t-il plaidé. S'agissant de la campagne en cours, l'ancien chef de l'Etat a estimé que «s'il y avait un président de la République qui épousait les thèses de Vladimir Poutine, ça serait extrêmement grave», plaçant dans le même sac Jean-Luc Mélenchon, Eric Zemmour et Marine Le Pen. «Ils pensent qu'être alliés avec les Etats-Unis est une faute», a dénoncé François Hollande, leur reprochant leur «complaisance» à l'égard de la Russie.
Intervenant à l'Assemblée nationale, le Premier ministre Jean Castex a de son côté accusé la Russie de «violer les accords de Minsk» et promis l'instauration des sanctions sans en dévoiler la nature.
Eviter l'escalade : des réactions plus mesurées du côté du Rassemblement national, de Reconquête! et de La France insoumise
Les réactions des trois candidats visés par François Hollande se sont avérées plus mesurées que le tableau qu'il en a dressé. Ainsi, pour Eric Zemmour, «la décision de la Russie de reconnaître l'indépendance des deux Républiques du Donbass [...] viole la souveraineté de l'Ukraine et le principe d'intangibilité des frontières». Si «la responsabilité de cette situation incombe d'abord à la Russie», elle est aussi «le résultat de la politique menée par les Occidentaux et l'OTAN, qui n'ont cessé d'ignorer les préoccupations sécuritaires légitimes de la Russie», a-t-il développé.
Le candidat de Reconquête! s'oppose à des sanctions contre Moscou : «Elles vont non seulement à l'encontre de nos intérêts économiques, mais elles sont en plus inefficaces», a-t-il estimé. S'il venait à être élu, Eric Zemmour propose de sortir de la crise par un «traité consacrant la fin de l'expansion de l'OTAN en échange de la résolution des conflits territoriaux en Europe orientale» qui garantirait «la liberté et la souveraineté de tous les Etats concernés, y compris l'Ukraine».
Sur une ligne assez proche de son rival, Marine Le Pen a dénoncé le fait que «la France s'est soumise à une forme de guerre froide à l'égard de la Russie, imposée par une Union européenne elle-même très à l'écoute des Américains», s'opposant également à des sanctions qu'elle juge «inefficaces».
«C’est une escalade, et [...] la Russie en porte la responsabilité», a condamné Jean-Luc Mélenchon dans un long communiqué. Jugeant que «la reconnaissance des républiques russophones du Donbass par Poutine est une très mauvaise affaire pour les Français», le candidat Insoumis redoute «qu’à la décision russe succède une décision américaine d’intégrer l’Ukraine dans l’OTAN».
Une perspective qui serait une «autre mauvaise affaire pour nous Français qui n’avons aucun intérêt à l’extension de la domination militaire des USA et de leurs intérêts sur notre continent», a estimé Jean-Luc Mélenchon. L'Insoumis propose, pour sortir de la crise, «une conférence des frontières» qui, selon lui, «permettrait de fixer des règles et de gérer avant la crise les autres situations de tensions frontalières qui mûrissent sur notre continent». Qualifiant le bilan d'Emmanuel Macron dans cette séquence diplomatique de «navrant», il a appelé Jean Castex à s'expliquer devant l’Assemblée nationale.
Les nuances apportées par Jean-Luc Mélenchon à l'analyse de la situation n'ont pas été du goût des partisans de Yannick Jadot, qui a souvent mis en avant leurs divergences en matière de politique étrangère. Sa porte-parole Mélanie Vogel a ainsi juxtaposé le communiqué de son candidat et de celui de l'Insoumis, avec le simple commentaire «la différence».
Le candidat écologiste appelle les Français à manifester leur solidarité avec l'Ukraine en se rassemblant devant les représentations diplomatiques russes, notamment à Paris. Il a également demandé sur Twitter à ce qu'Emmanuel Macron reçoive toutes les candidates et les candidats et les partis représentés «pour discuter de la situation en Ukraine».
Enfin, le candidat du Parti communiste, Fabien Roussel a qualifié «la reconnaissance de l’indépendance des deux Républiques séparatistes d’Ukraine» de «décision extrêmement grave et dangereuse». «Tout doit être fait pour désamorcer cette guerre qui menace aux portes de l’Europe !», a-t-il soutenu sur Twitter, sans préciser les moyens à employer à cet effet.