France

«Cynisme», «fiasco» : une partie de l'opposition atomise le virage nucléaire de Macron à Belfort

Emmanuel Macron a annoncé ce 10 février la construction de six à 14 réacteurs pour 2050, le rachat de turbines auparavant vendues à l'américain General electric et l'essor de l'éolien marin. Un nouveau cap qui a fait réagir vivement l'opposition.

En visite à Belfort (Territoire de Belfort) le 10 février, Emmanuel Macron a demandé à EDF la construction de six réacteurs EPR2, pour une première mise en service à l’horizon 2035. A cela s'ajoute l’étude pour huit de plus pour la fin de la décennie 2040.

«Concrètement, nous allons engager dès les semaines à venir les chantiers préparatoires», a déclaré le président, promettant «des financements publics massifs de plusieurs dizaines de milliards d’euros [et de] sécuriser la situation financière d’EDF», lourdement endetté.

«Je souhaite qu’aucun réacteur nucléaire en état de produire ne soit fermé à l'avenir», a aussi martelé le chef de l'Etat, alors qu'une douzaine devaient fermer d'ici 2035 en plus des deux de Fessenheim (Haut-Rhin), déjà arrêtés. 

Attendu sur la relance du nucléaire, le président sortant et quasi-candidat a plus largement présenté sa vision de l'avenir énergétique de la France, engagée à la neutralité carbone en milieu de siècle pour contrer le réchauffement.

Emmanuel Macron annonce aussi la création d'une cinquantaine de parcs éoliens

Construire six réacteurs EPR2, sur des sites existants, coûtera une cinquantaine de milliards d'euros, a déjà prévu EDF.

Le groupe propose de les construire par paires sur trois sites : d'abord à Penly (Seine-Maritime), près de Dieppe, puis à Gravelines (Nord) et enfin à Bugey (Ain) ou bien Tricastin (Drôme).

Et pour cela, «oui, il nous faut développer massivement les énergies renouvelables», a-t-il insisté, commençant même par cela. La filière, entravée par les recours quasi systématiques et les lenteurs administratives, réclamait «une parole politique claire».

Construire un nouveau réacteur nucléaire ce n'est pas avant 15 ans : on a donc besoin des énergies renouvelables tout de suite, a expliqué le président.

Emmanuel Macron a fixé l'objectif de doter la France d'une cinquantaine de parcs éoliens en mer pour «viser 40 gigawatts en service en 2050», un seuil très ambitieux alors que le tout premier site doit commencer à fonctionner en avril, avec dix ans de retard.

D’ici 2050, il veut multiplier par près de dix la puissance solaire installée pour dépasser 100 gigawatts. Le pays compte au total plus de 13,2 GW aujourd'hui disponibles.

En revanche, sur les éoliennes terrestres, Emmanuel Macron souhaite multiplier par deux la capacité actuelle en 30 ans, plutôt qu'en 10 ans comme prévu jusqu'à présent.

Ce discours-cadre du chef de l'Etat trace une perspective de long terme, mais doit aussi lui permettre d'occuper d'ores et déjà l'un des sujets majeurs de la campagne.

Le chef de l'Etat était sur le site de fabrication des turbines Arabelle dont EDF a annoncé le jour même le rachat à l'américain General electric (GE). 

Tout un symbole pour le président qui en 2015 alors ministre de l'Economie, avait accepté qu'Alstom les cède au groupe américain. 

L'occasion pour lui de justifier cette décision devant les salariés : «C'était ça ou l'arrêt», a-t-il avancé, plaidant aussi «le choix d'une entreprise privée».

⁦Emmanuel Macron⁩ à Belfort pour «se refaire une virginité» sur le nucléaire et la vente des turbines à un géant américain ?

Les antinucléaires ont critiqué le virage à 90 degrés d'Emmanuel Macron, à l'instar du député de La France insoumise Adrien Quatennens : «Prolongation au-delà de 50 ans des actuels réacteurs et multiplications des EPR malgré le fiasco de Flamanville. Le candidat Macron veut enfoncer la France dans le nucléaire pour des générations. Une raison de plus pour le dégager avec force dans les urnes en avril.» 

Sur la même ligne, Yannick Jadot a estimé à Montpellier (Hérault) qu'Emmanuel Macron était «en train de condamner la France à un siècle de nucléaire» avec, selon l'écologiste (EELV), «un président de la République qui surinvestit sur le nucléaire, qui est un fiasco».

Défenseur de l'énergie nucléaire à gauche, le député et candidat du Parti communiste, Fabien Roussel, note qu'«Emmanuel Macron a vendu Alstom énergie, fermé Fessenheim, sacrifié la recherche et Astrid». «Quatre ans d'antinucléaire. Et il se réveille deux mois avant les élections...», poursuit-il.

Lui aussi favorable à l'industrie de l'atome, Eric Zemmour, estime dans un communiqué que «le revirement électoraliste d’Emmanuel Macron n’effacera pas sa politique énergétique désastreuse», le président poursuivant «la folie de l'éolien». Il reproche également au chef d'Etat d'avoir précédemment «fixé l'objectif irrationnel de ramener la part du nucléaire dans le mix électrique à 50%» (il représente environ 70% actuellement).

Lui aussi soutien du nucléaire, le député Les Républicains, Julien Aubert, constate qu'«après dix années de trahison énergétique, ⁦Emmanuel Macron⁩ vient se refaire une virginité sur le sujet de la souveraineté et du nucléaire». «Il présente sa nouvelle stratégie. Il aurait mieux fait de présenter ses excuses», ajoute-t-il.

La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, est pour sa part revenue sur la décision de racheter les turbines Arabelle de Belfort à GE : «Voir Emmanuel Macron parader à Belfort chez Alstom, dont il a coorganisé le pillage, est tout simplement révoltant. Je pense aux 5 000 salariés qui ont perdu leur emploi. Je ne m'habituerai jamais à un tel cynisme. La justice devra un jour faire la lumière sur cette affaire.»