Après trois jours de débats tumultueux – notamment alimentés par des propos controversés d'Emmanuel Macron se disant prêt à «emmerder» les non-vaccinés –, l'Assemblée nationale a adopté ce 6 janvier au petit matin en première lecture le projet de loi transformant le pass sanitaire en pass vaccinal.
Annoncé mi-décembre par le gouvernement face à l'épidémie de Covid-19, le texte a été approuvé à 5h25 par 214 voix pour, celles de la majorité et d'une partie des LR et du PS. Ils ont été 93 députés à se prononcer contre, dont la gauche de la gauche, le RN, et trois dissidents LREM. Vingt-sept se sont abstenus.
Le projet de loi doit désormais être examiné par le Sénat dominé par la droite au début de la semaine du 10 janvier, pour une entrée en vigueur que le gouvernement voulait au 15 janvier mais qui devrait être repoussée de quelques jours.
Il faudra alors aux plus de 12 ans pouvoir justifier d'un statut vaccinal pour accéder aux activités de loisirs, aux restaurants et bars, aux foires ou aux transports publics interrégionaux. Un test négatif ne suffira plus, sauf pour accéder aux établissements et services de santé. Parmi leurs amendements de retouche, les députés ont repoussé de 12 à 16 ans la nécessité d'un pass vaccinal pour les sorties scolaires et activités péri et extrascolaires.
Des députés LR aux votes divisés
La dernière nuit de discussions a avancé péniblement, avec quelques éclats de voix sur le pass sanitaire dans les meetings ou la situation outre-mer. Le cap de l'article 1er (sur 3) n'a été franchi qu'à 3h du matin.
Jusqu'au bout de la nuit, les parlementaires ont échangé sur le fond, les oppositions ciblant en particulier les contrôles d'identité que pourront opérer cafetiers ou restaurateurs en cas de «raisons sérieuses» de penser qu'il y a fraude au pass vaccinal. Martine Wonner, ex-LREM désormais sans étiquette à l'Assemblée et opposante notoire à la vaccination obligatoire et au pass sanitaire, a dit craindre «une société de délation».
Les députés LR, qui se sont finalement divisés sur le vote d'ensemble du projet de loi (28 pour, 24 contre, 22 abstentions), ont annoncé qu'ils saisiraient le Conseil constitutionnel sur ce point des contrôles.
Qui outrage la nation ?
Le Premier ministre Jean Castex était venu lui-même le 5 janvier après-midi demander aux parlementaires d'accélérer, après le blocage, voire selon LFI la «crise», provoqués par les propos d'Emmanuel Macron. «Les non-vaccinés, j'ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer de le faire, jusqu'au bout. C'est ça, la stratégie», avait clamé le chef de l'Etat dans un entretien au Parisien la veille. «Quand ma liberté vient menacer celle des autres, je deviens un irresponsable. Un irresponsable n’est plus un citoyen», ajoutait-il.
Sommé d'expliquer ces propos, Jean Castex a d'abord confirmé devant le Sénat sa volonté de mettre la pression sur les non-vaccinés. «Qui outrage la nation ? [...] Qui conduit les soignants dans nos urgences à faire des choix éthiques dramatiques ? Eh bien c'est une infime minorité», a-t-il tancé. Puis au palais Bourbon, le Premier ministre a exhorté les députés à «débattre dans des délais rapides», compte tenu de la situation sanitaire.
«Excusez-vous [des] propos indignes» du président, lui avait intimé la patronne des Insoumis à l’Assemblée, Mathilde Panot. Chef de file des députés LR, Damien Abad avait de son côté critiqué un «populisme froid et calculateur» de la part du chef de l'Etat.