«Les services de réanimation pourraient bien se noyer avec moins de patients» : c'est un appel à l'aide qu'ont lancé plus de cent médecins réanimateurs dans une tribune publiée par Le Figaro le 31 décembre, alors qu'on dénombre près de 6 000 patients dans leurs services, dont plus de la moitié sont atteints par le Covid-19. Même si les signataires espèrent que la vaccination permettra d'éviter les records d'hospitalisation atteints lors de la première vague de l'épidémie au printemps 2020, ils évoquent «l'épuisement physique et psychologique des professionnels» ainsi que de nombreux départs, qui mettent en danger le bon fonctionnement de leurs unités. Alors que les deux années de crise du Covid-19 viennent s'ajouter à des «difficultés structurelles "historiques"», ils estiment que «les solutions évoquées depuis mars 2020 ne sont pas viables sur le moyen terme».
Aller au-delà des réponses d'urgence
Les médecins réanimateurs dressent un diagnostic sévère de la réponse apportée par les pouvoirs publics depuis le début de l'épidémie. A commencer par les lits de réanimation éphémères : «réponse utile dans l'urgence de la première vague, [ils] ne permettent pas la prise en charge des patients complexes souffrant de défaillances d'organes multiples», et n'ont guère d'utilité sans «personnel compétent et expérimenté». Or, ce personnel fait défaut : selon les signataires, «329 postes de médecins réanimateurs sont aujourd'hui vacants», ce qui conduit leurs collègues à effectuer, en plus de leur travail quotidien, des gardes de 24 heures tous les cinq jours.
Un problème qui s'ajoute au déficit d'infirmières et d'infirmiers de réanimation, dont les «compétences spécifiques ne sont pas reconnues ni statutairement ni financièrement», malgré les revalorisations décidées à l'occasion du Ségur de la santé, en juillet 2020. Ces difficultés persistantes ont d'ailleurs été reconnues par Olivier Véran en octobre 2021, à l'occasion d'une polémique sur le nombre de lits fermés. Les auteurs de la tribune notent que la réserve sanitaire ne peut résoudre ces problèmes au-delà du «très court terme», et constatent que «les retards liés à la déprogrammation massive d'actes chirurgicaux ne sont par ailleurs toujours pas absorbés».
Doter la France d'une réanimation digne de son rang
Face à cette situation alarmante, les médecins réanimateurs réclament des mesures ambitieuses pour faire face à la situation exceptionnelle que traverse le pays, mais également au-delà, pour répondre «aux besoins en hausse liés au vieillissement de la population». Il faut donc selon eux «augmenter durablement le nombre de médecins formés à la réanimation», réintroduire un module de formation à la réanimation, supprimé en 2009, dans le cursus des infirmiers, mais aussi «garantir l'accessibilité aux soins critiques sur l'ensemble du territoire». Alors que d'autres services connaissent de sérieuses difficultés, à Paris comme dans différentes régions, ils évoquent une «répartition inégale de l'offre de réanimation», qui fait peser «des tensions extrêmement fortes sur certains centres hospitaliers périphériques et en Outre-mer».
En conclusion, les signataires notent qu'«Olivier Véran a incarné le rôle d'un ministre qui investit au long terme pour la santé des Français». Ils lui demandent urgemment d'aller plus loin en renforçant les moyens des services de réanimation, afin «de doter la France d'une réanimation digne de son rang». Compte tenu de «l'importance capitale » des unités de réanimation, ils attendent une «vraie feuille de route, claire et chiffrée».